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MAGASIN PITTORESQUE,
À DEUX SOUS PAR LIVRAISON.
PREMIÈRE LIVRAISON. — 1833.


À TOUT LE MONDE.

C’est un vrai Magasin que nous nous sommes proposé d’ouvrir à toutes les curiosités, à toutes les bourses. Nous voulons qu’on y trouve des objets de toute valeur, de tout choix : choses anciennes, choses modernes, animées, inanimées, monumenlales, naturelles, civilisées, sauvages, appartenant à la terre, à la mer, au ciel, à tous les temps, venant de tous les pays, de l’Indostan et de la Chine, aussi bien que de l’Islande, de la Laponie, de Tombouctou, de Rome ou de Paris ; nous voulons, en un mot, imiter dans nos gravures, décrire dans nos articles tout ce qui mérite de fixer l’attention et les regards, tout ce qui offre un sujet intéressant de rêverie, de conversation, ou d’étude.

Lorsqu’on vit apparaître, il y a quelques années, dans Paris, ces longues voitures à huit et dix fenêtres, diligences des rues, s’arrêtant patiemment de minute en minute, pour laisser monter et descendre à loisir hommes et femmes, ouvriers et bourgeois, grands et petits, moyennant quelques gros sous, on se récria, et l’on trouva d’abord l’invention bizarre, d’un usage trop commun, et presque ridicule pour cette raison même que l’accès était à vil prix. D’ailleurs, disait-on, il n’y avait déjà que trop de moyens de transport sur la place. Mais, malgré ces critiques, tous ceux dont le pavé fatiguait depuis long-temps les pieds, et qui avaient trouvé jusque là fort coûteux de se faire rouler en carrosse, se sont montrés moins scrupuleux. Le vil prix ne les a pas effrayés ; les moyens de transport ne leur ont point paru trop nombreux. Ils ont estimé que l’invention était agréable et utile, et l’invention a réussi. De plus riches qu’eux ont à la fin partagé leur opinion. Maintenant on ne s’étonne plus de voir toutes ces machines à trois et quatre roues traverser la ville en tous sens, et s’avancer de loin, de conserve et en bonne intelligence, au milieu des tilburys, des landaux, des fiacres, et des cabriolets.

De même, notre Magasin à deux sous, dans un ordre d’entreprise bien différent, se recommande à tout le monde ; mais il est plus particulièrement destiné à tous ceux qui ne peuvent consacrer qu’une humble somme à leurs menus plaisirs.

Notre grande ambition sera d’intéresser, de distraire : nous laisserons l’instruction venir à la suite sans la violenter, et nous ne craignons pas que jamais elle reste bien loin en arrière ; elle évitera seulement de revêtir les formes arrêtées, sévères, de l’enseignement spécial et méthodique, et son influence s’exercera à la manière de cette éducation générale que les classes de la société riches en loisirs doivent à des relations habituelles avec les hommes distingués, à des lectures variées, choisies, et aux souvenirs des voyages.

Ces relations, ces lectures, ces voyages, interdits au grand nombre, notre recueil aura pour but constant de chercher à en tenir lieu. Nous aurons bien du malheur si, devant ce tableau toujours changeant du monde entier, que nous déroulerons continuellement sous les yeux de nos lecteurs, ils ont des pensées, des désirs que nous ne puissions satisfaire. À toute question nous espérons avoir une réponse prête, en nous tenant attentivement à la hauteur des connaissances, des découvertes, des productions des beaux-arts, en appelant tour à tour nos artistes, nos écrivains, à représenter, à dire ce qui est vrai, ce qui est beau, ce qui est utile, sans mélange d’exagération ou d’imaginations mensongères. Ces promesses faites résolus à les tenir avec conscience, nous n’aurons garde de faire subir de longs programmes et de dévoiler ce qui doit rester notre secret, c’est-à-dire les difficultés que nous avons à vaincre, nos labeurs, nos veilles ; à nous seuls la peine que nous tâcherons de rendre fructueuse, au public tout ce que l’envie pourra donner de plaisir utile à l’esprit et au regard.




MONUMENS.

On rencontrera, épars dans la suite de nos livraisons, les plus remarquables des monumens anciens, des monumens du moyen âge, des monumens modernes. Les gravures en reproduiront fidèlement le caractère, l’effet d’ensemble, et très souvent les détails ; les articles exposeront leur origine, leur usage, leurs diverses transformations, les évènemens historiques dont ils auront été le théâtre ou les muets spectateurs, et tout ce que leur aspect pourra évoquer de souvenirs.


FONTAINE DES INNOCENS.

RECONSTRUCTION DE LA FONTAINE DES INNOCENS. — LE CIMETIÈRE. — LE PASSAGE DES CHARNIERS. — L’ÉGLISE ET LES RECLUSES. — TRANSLATION D’OSSEMENS AUX CATACOMBES.


(Fontaine des Innocens.)


Cette fontaine n’avait autrefois que trois côtés, et était adossée à l’angle de la rue Saint-Denis et de la rue aux Fers. Sa première construction datait du xiiie siècle ; en 1550 elle fut réparée : les travaux d’architecture en furent alors confiés à Pierre Lescot, abbé de Clagny, et les sculptures à notre célèbre Jean Goujon, tué le jour de la Saint-Barlhélemy.

Dans le mois de mars 1788, sur la proposition d’un ingénieur nommé Six, toutes les parties de ce monument dignes d’être conservées furent transportées au milieu du marché des Innocens, qu’on commençait à établir, et la fontaine fut réédifiée d’après un plan nouveau. Comme il fallait l’agrandir et lui donner quatre faces pour pouvoir l’isoler au centre d’une place carrée, on fut obligé de compléter l’architecture. Jean Goujon avait sculpté cinq naïades, on eut soin de les laisser entre les pilastres des arcades, où les artis-