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fondé à la regarder comme indigène du Nouveau Monde. Mais ses caractères spécifiques diffèrent si peu de ceux du cotonnier arborescent des Indes orientales, que les botanistes ne pouvaient se dispenser de les rapporter à une même espèce.


(Cotonnier arbrisseau, gossypium religiosum.)


Cette espèce est originaire des Indes ou de la Chine. On ignore si elle a quelques rapports avec la religion de son pays natal, ce qui expliquerait et justifierait le nom que Linnée lui a donné. Quoi qu’il en soit, elle est un peu moins haute que l’espèce précédente, et porte un autre nom dans la langue de tous les pays où ces deux plantes se trouvent simultanément. On y distingue deux variétés, l’une dont le coton est blanc, et l’autre qui fournit le duvet jaune brun qui sert à la fabrication du nankin. Cette variété précieuse abonde surtout dans la Chine, d’où elle a passé aux îles de France et de Bourbon. On a trouvé aussi en Amérique une très petite espèce de cotonnier qui produit un duvet coloré en jaune brun, d’une extrême finesse, et d’un éclat remarquable ; on en fait des bas que l’on préférerait à ceux de soie, si le prix en était moins élevé.

Jusqu’à présent, c’est le cotonnier semé tous les ans qui a répandu dans le commerce la plus grande quantité de coton. Celui que les Anglais estiment le plus vient de la Géorgie, l’un des états de l’Union américaine ; les fabricans n’hésitent pas de l’acheter à un prix double de celui de tout autre coton. Mais il faut remarquer que les espèces arborescentes ont besoin d’une plus forte chaleur, et ne seraient pas cultivées avec succès dans les régions tempérées, telles que le territoire des États-Unis ; cependant, suivant M. de Humboldt, la température moyenne des lieux qui conviennent aux grands cotonniers, est un peu au-dessous de 14° de Réaumur, et celle qu’exige l’espèce commune est au-dessus de 11°, en sorte que la différence entre les deux températures moyennes n’excéderait pas 2 degrés et demi. On regrette que cet habile observateur, auquel nous sommes redevables de si précieux documens sur les pays qu’il a parcourus en naturaliste, en physicien et surtout en philosophe, n’ait pas joint l’indication des températures extrêmes à celles des moyennes. Lorsqu’il s’agit de la culture de plantes vivaces, on ne peut se dispenser de connaître toutes les conditions de leur existence et de leur conservation ; il faut donc savoir quelle serait l’intensité du froid qui les ferait périr. Lorsqu’on trace sur la surface du globe terrestre des lignes isothermes (d’égale chaleur moyenne), on les conduit quelquefois à travers des lieux où les gelées sont inconnues, et quelquefois aussi dans d’autres où des étés très chauds compensent, par leur haute température, des hivers assez rigoureux. Il n’est donc pas certain que le cotonnier en arbre puisse résister dans tous les lieux qui jouissent de la température moyenne des contrées de l’Amérique où le savant voyageur a observé ce végétal. On tiendra, sans doute, compte de toutes ces considérations, lorsqu’il s’agira d’établir le cotonnier dans la colonie d’Alger, et de l’y cultiver en grand.

Toutes les espèces de cette plante, annuelles ou vivaces, sont propagées par des semis. Pour les espèces annuelles, lorsque la saison est favorable, sept à huit mois s’écoulent entre les semailles et la récolte. Dès que les capsules commencent à s’ouvrir, on se hâte de moissonner. Les champs de cotonniers se présentent alors sous un aspect très agréable ; l’œil se plaît à parcourir ce feuillage d’un vert foncé et brillant, et la profusion de fruits blancs et globuleux dont il est parsemé. On estime que, si l’année est bonne, un arpent peut fournir jusqu’à deux cents livres de coton épluché. Quelques cultivateurs enlèvent sur place le duvet avec les graines qu’il contient, et laissent sur les tiges l’enveloppe des capsules ; d’autres coupent tous les fruits pour les emporter tous à la fois, et attendent qu’ils s’ouvrent spontanément pour commencer à les éplucher ; cette opération devient alors plus difficile, parce que l’enveloppe desséchée se brise en très petits fragmens qui se mêlent avec le duvet. De quelque manière que l’on procède, il faut que la cueillette ne dure pas plus long-temps que le crépuscule du matin, et avoir soin d’enlever, avant le lever du soleil, toutes les capsules qui se sont ouvertes, parce que l’action d’une forte lumière altère promptement la couleur du coton.

Les cotonniers arbustes ne sont en plein rapport que pendant cinq à six ans. Lorsque le produit commence à diminuer, on fait un nouveau semis, afin de renouveler la plantation.


(Feuilles, fleurs et fruits du cotonnier.)


Après la récolte, il s’agit d’éplucher les cotons pour en séparer la graine. Ce travail est long et minutieux lorsqu’on le fait à la main, parce que le duvet adhère fortement aux semences qu’il renferme. C’est ici que l’art des machines vient très à propos au secours de l’industrie. L’Indien, réduit encore à ses deux bras, emploie toute une journée pour éplucher une livre de coton. L’instrument dont on fait usage pour éviter cette consommation de temps est un