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cement, elle s’accroît par des couches successives de matière à perle.

Le gouvernement anglais de Ceylan fait quelquefois la pêche à ses propres frais ; quelquefois il loue ses bateaux à plusieurs entrepreneurs ; le plus souvent il vend le droit de la pêche à un particulier, qui, à son tour, le sous-loue à d’autres. La saison de pêche de l’année 1804 fut cédée par le gouvernement à un capitaliste, pour une somme qui s’éleva au moins à 120 000 liv. st. (plus de 3 millions). C’est au commencement du mois de mars que commence la pêche, et elle occupe plus de deux cent cinquante bateaux qui arrivent de différentes parties de la côte de Coromandel. Après plusieurs ablutions, sortiléges, et autres cérémonies superstitieuses, l’équipage de tous les bateaux s’embarque à minuit, sous la conduite des pilotes. Arrivés aux bancs, on jette l’ancre, et on y attend la pointe du jour.


(Coquille de l’huître à perles.)


À sept heures du matin, aussitôt que la chaleur solaire a acquis quelque force, les plongeurs commencent leurs opérations. On fait, avec les avirons et d’autres pièces de bois, une espèce d’échafaudage à jour qui dépasse les deux côtés du bateau, et auquel on suspend la pierre à plonger qui descend de cinq pieds dans l’eau ; elle pèse cinquante-six livres, et a la forme d’un pain de sucre ; la corde qui la soutient porte à sa partie inférieure un étrier pour recevoir le pied du plongeur. Celui-ci n’a pour tout vêtement qu’un morceau de calicot qui lui enveloppe les reins. Il met un pied dans l’étrier, y demeure debout pendant quelpues instans, s’y soutenant par le mouvement d’un de ses bras ; alors on lui jette un filet, en forme de panier, entouré d’un cerceau de bois, dans lequel il place l’autre pied. Il tient à la main deux cordes, celle du panier et celle de la pierre. Dès qu’il se sent en état de couler, il bouche ses narines d’une main pour empêcher l’eau d’y entrer, et donne une forte secousse au nœud auquel est suspendue la pierre, il la détache et plonge immédiatement. Aussitôt arrivé au fond, il retire son pied de l’étrier ; on remonte sur-le-champ la pierre, qu’on accroche de nouveau à l’aviron ; alors le plongeur se jette la face contre terre, et ramasse tout ce qu’il peut atteindre pour le mettre dans son panier. Quand il est prêt à remonter, il secoue fortement la corde, dont l’extrémité est entre les mains de l’équipage, qui la retire avec le plus de vitesse possible. Le plongeur, en même temps, débarrassé de toute entrave, grimpe lui-même le long de la corde, et parvient toujours, par les efforts qu’il fait, à reparaître assez long-temps avant le panier. Il s’amuse à nager à quelque distance du bateau, dans lequel il est rare qu’il rentre avant la fin de sa journée ; il saisit soit un aviron, soit une manœuvre, eu attendant que vienne son tour de redescendre. Un plongeur reste à peine sous l’eau une minute et demie ; cependant, dans ce court espace de temps, et sur une couche richement fournie d’huîtres, il peut, s’il est habile, en ramasser jusqu’à cent cinquante. Il y a toujours, pour une pierre à plonger, deux pêcheurs qui descendent alternativement : l’un se repose et se rafraîchit pendant que l’autre travaille. Après cet exercice, ces hommes éprouvent des saignemens de nez et d’oreilles qui les soulagent beaucoup. Ils traitent leur travail de passe-temps agréable ; et, quoiqu’ils soient occupés six heures de suite, ils ne font entendre ni plainte ni murmure, à moins qu’il n’y ait disette d’huîtres.

Quand la journée est avancée, le pilote, qui commande, fait un signal ; la flotte se rallie, et cingle vers le rivage, où elle est attendue par une foule immense. Chaque bateau rentre dans sa station, et les huîtres sont transportées dans de grands enclos, où elles restent entassées et bien gardées pendant dix jours, temps nécessaire pour qu’elles se corrompent. Quand elles sont arrivées à un état convenable, on les jette dans un grand réservoir rempli d’eau de mer, et on les y laisse douze heures ; puis on les ouvre, on les lave, et on livre les coquilles aux rogneurs, qui en détachent les perles avec des tenailles.

Lorsque toutes les coquilles sont enlevées, la substance même des huîtres reste au fond du réservoir avec le sable et les fragmens brisés des coquilles. Pour en extraire les perles qui s’y trouvent mêlées, on lave à diverses reprises, en ayant soin de passer les eaux de lavage au travers d’un sac. Une fois le sable ainsi lavé et séché, il est passé au crible. Les grosses perles en sont facilement retirées ; mais la séparation des petites, qu’on appelle semence de perles, est un travail de quelque difficulté. On les assortit ensuite par classes, selon leur grosseur ; enfin, elles sont percées et enfilées, et alors elles sont envoyées au marché.

Dans tous les temps les perles ont été des ornemens précieux. Plusieurs tentatives d’imitations ont été faites et avec succès. La plus singulière, pratiquée sur les bords de la mer Rouge dès les commencemens même de l’ère chrétienne, se continue encore dans la Chine. On perce la coquille de l’huître à perles pour y introduire un morceau de fil de fer, et on remet l’huître en place ; l’animal, blessé par la pointe du fil, dépose autour de lui une couche de matière à perle qui s’endurcit peu à peu, et se fortifie par d’autres dépôts ; alors l’huître est de nouveau repêchée.


(Intérieur de l’huître à perles.)


On fabrique les fausses perles au moyen de petits globules de verre creux, dont l’intérieur, enduit d’un liquide appelé essence de perles, est rempli de cire blanche. Celte essence est composée de petites particules couleur d’argent qui adhèrent aux écailles de l’ablette, et a été mise en usage pour la première fois au commencement du dernier siècle par un Français nommé Jacquin.




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