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Il n’y a rien d’exagéré dans cette description de Sauval (vers 1660) ; c’est la vérité tout entière et toute nue : on comptait douze Cours de Miracles dans Paris au commencement du dernier siècle, et on un trouvait une au moins dans chacune des grandes villes de France. Jusque là aussi nul œil profane n’avait pénétré dans ces retraites redoutées ; le mendiant était certain d’y échapper à toute surveillance ; là il était avec les siens, seulement avec les siens, et il s’y dépouillait sans crainte du masque imposteur qu’il avait porté toute la journée pour tromper les passans. Là, une fois entré, le boiteux marchait droit, le paralytique dansait, l’aveugle voyait, le sourd entendait, les vieillards même étaient rajeunis. C’est à ces subites et nombreuses métamorphoses de chaque jour que ces cours devaient leur nom. Qui n’eût, en effet, cru aux miracles, à la vue de tant de merveilleux changemens ? Ces mêmes hommes, si accablés de souffrances et de maux, qu’on voit le soir regagner leur gîte à grand’peine ; ces misérables, à qui les plaies, les fractures, les ulcères, les fièvres, les paralysies laissent à peine la force de se traîner le long des murailles en s’accrochant les uns aux autres, comme s’ils allaient succomber ; toutes ces ombres humaines qui se glissent au dehors silencieuses et tristes comme la mort, tous ces êtres qui semblent accablés par l’âge, par les maladies et par la faim, à peine ont touché le seuil de ce monde si nouveau, que, frappés soudain par la baguette d’un enchanteur, ils en reçoivent une vie nouvelle. La porte franchie, et tous les maux ont disparu avec leur appareil désolant ; la porte franchie, et les années même ne se font plus sentir : femmes, enfans, vieillards, jeunes hommes, semblent s’être rencontrés soudain dans un âge de force, de mouvement, de santé. Cette cohue qui se précipite a remplacé le silence par les cris, les larmes par les rires, la tristesse par la joie, le désespoir par l’espérance ; impatiente de jouir, elle craint de perdre un instant, et court avec une effroyable vitesse s’engloutir dans les nombreux détours de son repaire, et s’y livrer avec impunité à toutes les turpitudes du vice, à tous les excès de la débauche.

Eh ! qui formait ce peuple à la fois si misérable et si favorisé, si pauvre et si riche, si puissant et si faible, si craintif et si redouté ; ce peuple qui se comptait par milliers, qui obéissait à un roi, qui avait ses lois, sa justice, sa moralité, et même ses exécutions sanglantes ? Ce peuple était si nombreux, qu’on avait été aussi forcé de le diviser en classes, qui toutes n’étaient pas également privilégiées. Ces classes, auxquelles nous laisserons les noms qu’elles portent dans la langue d’argot, étaient :

Les Courtauds de Boutange, semi-mendians qui n’avaient le droit de mendier et de filouter que pendant l’hiver.

Les Capons, chargés de mendier dans les cabarets et dans les lieux publics et de rassemblement ; d’engager les passans au jeu en feignant de perdre leur argent contre quelques camarades à qui ils servaient de compères.

Les Francs-mitoux, qui contrefaisaient les malades, et portaient l’art de se trouver mal dans les mes à un tel degré de perfection, qu’ils trompaient même les médecins qui se présentaient pour les secourir.

Les Hubains. Ils étaient tous porteurs d’un certificat constatant qu’ils avaient été guéris de la rage par l’intercession de saint Hubert, dont la puissance à cet égard était si grande, que, du temps de Henri Étienne, un moine ne craignait pas d’affirmer que si le Saint-Esprit était mordu par un chien enragé, il serait forcé de faire le pèlerinage de Saint-Hubert-des-Ardennes pour être guéri de la rage.

Les Mercandiers. C’étaient ces grands pendards qui allaient d’ordinaire par les rues deux à deux, vêtus d’un bon pourpoint et de mauvaises chausses, criant qu’ils étaient de bons marchands minés par les guerres, par le feu, ou par d’autres accidens.

Les Malingreux. C’étaient encore des malades simulés ; ils se disaient hydropiques, ou se couvraient les bras, les jambes et le corps d’ulcères factices. Ils demandaient l’aumône dans les églises, afin, disaient-ils, de réunir la petite somme nécessaire pour entreprendre le pèlerinage qui devait les guérir.

Les Millords. Ils étaient munis d’un grand bissac dans lequel ils mettaient les provisions qu’arrachaient leurs importunités. C’étaient les pourvoyeurs de la société.

Les Marjauds. C’étaient d’autres gueux dont les femmes se décoraient du titre de marquises.

Les Narquois ou Drilles. Ils se recrutaienl parmi les soldats, et demandaient, l’épée au côté, une aumône, qu’il pouvait être dangereux de leur refuser.

Les Orphelins. C’étaient de jeunes garçons presque nus, chargés de paraître gelés et de trembler de froid, même en été.

Les Piètres. Ils contrefaisaient les estropiés, et marchaient toujours avec des béquilles.

Les Polissons. Ils marchaient quatre à quatre, vêtus d’un pourpoint, mais sans chemise, avec un chapeau sans fond et une bouteille sur le côté.

Les Rifodès. Ceux-là étaient toujours accompagnés de femmes et d’enfans. Ils portaient un certificat qui attestait que le feu du ciel avait détruit leur maison, leur mobilier, qui, bien entendu, n’avaient jamais existé.

Les Coquillards. C’étaient des pèlerins couverts de coquilles, qui demandaient l’aumône, afin, disaient-ils, de pouvoir continuer leur voyage.

Les Gallois étaient des espèces de pèlerins sédentaires, choisis parmi ceux qui avaient de belles chevelures, et qui passaient pour avoir été guéris de la teigne en se rendant à Flavigny, en Bourgogne, où sainte Reine opérait des prodiges.

Les Cagous ou Archi-Suppôts. On donnait ce nom aux professeurs chargés d’enseigner l'argot, et d’instruire les novices dans l’art de couper les bourses, de faire le mouchoir, de créer des plaies factices, etc.

Enfin les Sabouleux. Ces mendians se roulaient à terre comme s’ils étaient épileptiques, et jetaient de l’écume au moyen d’un morceau de savon qu’ils gardaient dans la bouche.




LE PARTHÉNON OU TEMPLE DE MINERVE.


Les ruines de la Grèce nous donnent une haute idée de ce peuple qui a subi tant de vicissitudes, et dont les descendans, bien qu’abrutis par le despotisme des Turcs, viennent de reconquérir leur liberté. Les anciens Grecs, qui avaient reçu des Égyptiens les premières notions des sciences et des arts, ne tardèrent pas à surpasser leurs maîtres, et quelques uns de leurs monumens, échappés à la barbarie et aux ravages des siècles, servent encore de modèles aux peuples civilisés.

Leur architecture, à ! a fois noble et élégante, présente les proportions les plus heureuses, et atteste le génie de leurs artistes. Au milieu d’une nature riche, et sous un ciel toujours pur, la beauté des sites et surtout celle des formes humaines, dut épurer leur goût, et nourrir et féconder leur inspiration.

Entre tous les Grecs, les Athéniens se distinguèrent par la grandeur et la magnificence de leurs monumens.

Le Parthénon, dont nous représentons ici les restes, fut