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31 décembre 1833

Nous espérons que ces cinquante-deux livraisons de notre recueil, réunies sous un même titre et dans un seul volume, loin de rien perdre de la faveur qu’elles ont obtenue isolément, seront au contraire généralement mieux appréciées. La variété de tant de sujets frappera plus vivement le regard, et les intentions qui président à notre rédaction, indiquées avec franchise en divers endroits, seront plus aisément comprises par tous les lecteurs.

Un rapide examen des articles suffira pour faire reconnaître que nous avons peu d’ambition littéraire, et que nous avons moins voulu faire preuve d’un talent ou d’une érudition qui cherchent l’éclat, que de variété de connaissances, de goût et de moralité. Ce sont véritablement nos seules prétentions, et bien que d’abord la dernière puisse paraître la moins fondée aux yeux des souscripteurs qu’un simple attrait de curiosité nous a conquis, nous croyons cependant l’avoir entièrement justifiée, et, de plus, nous la regardons comme la principale source de nos succès passés et futurs.

Dans notre conviction, en effet, la nouveauté de la forme du Magasin pittoresque, après avoir attiré l’attention publique, n’a réussi à la fixer que parce qu’elle est au service d’un sentiment moral.

Il n’est personne aujourd’hui qui ne remarque avec surprise ou avec intérêt l’activité extraordinaire de la presse : jamais plus de livres et de recueils n’ont été répandus et offerts au public ; mais, en étudiant les résultats de cette singulière fécondité de travail, on retrouve le phénomène, qui se manifeste à l’occasion de toute espèce de productions mal réparties. Par exemple, les écrivains ne manquent pas à l’imagination, aux passions, aux débats politiques ou religieux, et peut-être même, dans ces directions, quelques impatiences publiques accusent parfois une sorte de surabondance ; mais si, détournant les regards, on prête l’attention à des besoins plus simples et aussi impérieux, si l’on oublie un instant les agitations extérieures de la société, et si l’on cherche ce que la presse produit d’utile et de bienfaisant pour la vie intérieure, pour le foyer domestique, riche ou pauvre, on reste étonné de voir que là où tant de connaissances sont à répandre, où tant de goût naïf, tant de dispositions, de sentimens heureux sont à entretenir et à développer, il n’y a encore, sous le rapport de la qualité surtout, que rareté et disette. Cette vérité importante est déjà vulgaire pour quiconque, observant la puissante impulsion imprimée à l’instruction depuis quelques années, et comprenant que le moment approche où la moindre ville ouvrira sa bibliothèque publique et où chaque village aura son maître de lecture, s’est demandé une seule fois sérieusement quels sont les livres de notre temps qu’on pourrait faire écouler sans danger et avec utilité par cette pente rapide.

C’est à cet ordre de réflexions, nées des tendances actuelles de notre pays, qu’appartient la conception générale du Magasin pittoresque ; mais en insistant sur cette pensée intime de notre œuvre, nous devons reconnaître que nous n’avons aucun droit à nous attribuer l’invention de ce qu’il y a d’originalité dans la forme qu’elle a revêtue ; nous croyons même convenable de déclarer, en tête de ce premier volume, que si nous nous sommes hasardés les premiers, sans patronage, sans prospectus, à importer en France l’idée de livrer au plus humble prix un texte varié, entremêlé de gravures et divisé par livraisons, c’est seulement après avoir connu le succès des Magazines en Angleterre, et surtout celui du recueil publié à Londres, sous une haute et digne influence, par M. Charles Knight, écrivain économiste distingué, qui, par ses relations bienveillantes avec nous, a contribué à rendre moins décourageantes les premières difficultés de notre entreprise.

Une année d’expérience semble déjà laisser pressentir ce que pourra recevoir de dé-