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la mer, et se relève aussitôt en secouant à droite et à gauche des nappes d’eau écumeuses.


(Corvette à la cape sous le petit foc.)


Le beaupré joue un rôle capital dans les abordages ; on devine au premier coup d’œil qu’il va servir de pont-volant. En effet, celui qui veut tenter la fortune d’une lutte corps à corps essaie généralement d’engager dans ses propres haubans le beaupré de l’ennemi. Les haubans sont les gros cordages qui, partant de divers points du mât, vont se fixer aux deux bords extérieurs du navire ; ils servent d’échelles pour arriver en haut, mais leur fonction essentielle est d’appuyer le mât latéralement.

Lorsque le bâtiment abordé a son beaupré ainsi engagé, il se trouve dans une fâcheuse position, car ses canons sont gênés pour la direction du tir, tandis qu’il est traversé de tête en queue, dans toute la longueur de ses batteries, par les boulets de son ennemi qui lui enlèvent des files d’hommes ; il est canonné en enfilade.

L’imagination ferme les yeux devant les horribles scènes qui se passent alors sur le beaupré, pont étroit jeté au milieu de l’abîme ; des hommes s’y élancent et s’y choquent armés de haches, de sabres, de piques et de pistolets. Les haches surtout sont féroces à voir : tranchantes d’un côté, elles entaillent un homme et en détachent des tranches, comme elles feraient sauter des éclats d’une poutre ; terminées de l’autre en pic crochu et long, elles trouent les chairs et entrent dans les os, dans le crâne.

Le mât vertical que l’on voit à la suite du beaupré est le mât de misaine. La violence du vent a cassé celui-ci à sa partie supérieure. Vient ensuite le grand mât qui élève au-dessus de ses voisins sa tête pleine d’orgueil. Enfin le dernier s’appelle le mât d’artimon ; c’est celui qui se trouve dans le logement des officiers ; c’est le mât aristocrate.

Lorsqu’après un travail forcé on accorde à l’équipage une ration d’eau-de-vie : « Passe derrière border l’artimon, » commande le maître. Et la face du matelot devient jubilante, son cœur s’imbibe de joie ; il est ému, content de lui-même et de son commandant ; il plonge ses doigts dans sa bouche pour en retirer une chique précieuse, dont le parfum ternirait celui de l’eau-de-vie ; il se mouche, il crache, il devient silencieux, et se prépare ainsi dévotement à vider le boujaron, mesure sobre et suffisante pour les liqueurs spiritueuses.

Il fait mauvais temps pour la corvette que représente la gravure ; elle est presque à sec de voiles, car si elle eût déployé sa toile devant la brise qui souffle, elle aurait cassé ses mâts sous la charge, ou bien elle aurait chaviré. Elle navigue à la cape sous le petit foc (voile triangulaire dont on voit la base s’élonger vers le milieu du beaupré, et dont le sommet se fixe sur un cordage amarré au mât de misaine).

La cape est une allure qu’on prend dans les mauvais temps ; elle a lieu sous des voilures diverses, mais on ne pourra expliquer nettement le principe sur lequel elle est fondée, qu’après avoir ajouté quelques notions élémentaires à celles que contient cet article : ce qui se fera dans les livraisons suivantes.




CATHÉDRALE DE ROUEN.

DIMENSIONS DE LA CATHÉDRALE. — LA TOUR DE BEURRE. — LA CLOCHE GEORGES-D’AMBOISE. — INCENDIE DU 15 SEPTEMBRE 1822.

L’église cathédrale de Rouen, dont la fondation est très ancienne, n’a été entièrement achevée qu’au commencement du xiiie siècle, sous la direction de l’architecte Enguerrand. Depuis cette époque, des restaurations et des changemens opérés au-dedans et au-dehors de cette basilique ont

(Frontail de la cathédrale de Rouen.)