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peaux de gazelles ; et le seul moyen de se garantir de sa voracité est de mettre le feu aux herbes desséchées, pour se retrancher derrière le rempart d’un vaste incendie.

Le dessous de son ventre et de sa queue est protégé par une série de plaques transversales bordées des deux côtés par de grandes écailles hexagones ; le dessus de son dos est parsemé de belles taches ovales, symétriquement rangées, tantôt d’un fauve doré, et quelquefois noires et rouges, bordées de blanc. D’espace en espace, resplendissent ces marques brillantes qui décorent la queue du paon ou les ailes des beaux papillons, et qu’on a nommées des yeux parce qu’elles sont formées d’un point noir entouré d’un cercle plus ou moins foncé. Par-dessous sa couleur est cendrée ou jaunâtre, mouchetée de noir.

Sa tête est remarquable par sa forme, et ressemble à celle de chiens couchans : sa mâchoire, bien garnie de dents cruelles, est privée cependant des crochets à venin ; ses vertèbres étant plus nombreuses que celles des autres reptiles, sa force de pression est comparativement plus grande.

C’est un consommateur vorace, qui dépeuple d’animaux le pays où il a fixé son séjour.

Les naturalistes l’ont appelé le Roi des serpens ; les anciens Mexicains, saisis à sa vue d’une crainte religieuse, l’ont surnommé Empereur, et l’ont adoré comme ministre de la divinité ; autour des temples, les monceaux de têtes et les ossemens attestent le grand nombre de victimes humaines qu’on lui a offertes. En Afrique, on en a fait le Dieu lui-même ; les Japonais, en Asie, se sont prosternés autrefois devant lui.




PROGRÈS DE LA MUSIQUE EN FRANCE.

HARMONIE. — LE PREMIER ORGUE. — LE DÉCHANT. — INVENTION DES SIGNES. — PREMIER DRAME MUSICAL. — FAITS GÉNÉRAUX. — REVUE DES PLUS CÉLÈBRES COMPOSITEURS DE FRANCE.

La musique, à proprement parler, n’existe que depuis la découverte de l’harmonie, que l’on peut définir : accord agréable de différens sons entendus en même temps. C’est à l’orgue que nous le devons. Le premier instrument de cette nature fut envoyé à Pépin, père de Charlemagne, en 757, par Constantin VI, empereur d’Orient. On s’en servit d’abord pour accompagner le chant à l’unisson ; mais la possibilité de faire entendre plusieurs sons à la fois fit inventer une sorte d’harmonie pour accompagner le chant, que l’on appela diaphonie, triphonie et tétrophonie en Italie et en Allemagne, suivant qu’elle était à deux, trois ou quatre parties. Cet accompagnement grossier, et qui serait insupportable aujourd’hui, reçut en France le nom de déchant, et jouit long-temps d’une grande faveur. Ce n’est qu’au xvie siècle siècle que de notables améliorations furent introduites dans l’harmonie. À cette époque, Francon, musicien flamand, conçut la division des temps musicaux, et inventa des signes pour la désigner. Ce perfectionnement immense fut adopté par les musiciens de tous les pays. Les instrumens anciens acquirent plus d’étendue et de perfection, de nouveaux instrumens furent inventés, des écoles de chant furent établies, et nos rois introduisirent d’heureuses réformes dans la musique de leurs chapelles.

Jusqu’à la fin du xviie siècle, on ne conçut guère en France d’autres musique de chant, outre celle d’église, que des lays, romances et chansons, d’abord à une, plus tard à deux, trois et quatre voix. Les plus fameux musiciens de France furent, au xiiie siècle, Adam de Lehale, qui se distingua comme auteur de chansons et de motets à trois parties ; au xve siècle, Josquin Desprez, maître de chapelle de Louis XIII ; au xvie siècle, Jean Mouton, maître de chapelle de François Ier ; Albert, fameux joueur de luth ; Clément Jannequin ; Claude Goudinel ; Ducaurroy, maître de chapelle de Henri IV, et présumé l’auteur des airs de Charmante Gabrielle, Vive Henri IV, et de la plupart de nos Noëls ; les frères Couperin, fameux organistes. Les instrumens le plus en usage au commencement du xviie siècle furent le luth, la viole, le violon et le clavecin.

On avait fait, en 1581, l’essai d’une espèce de drame musical pour les noces du duc de Joyeuse avec mademoiselle de Vaudemont. Cette pièce, composée par deux musiciens de la chambre de Henri III, nommés Baulieu et Salmon, reçut le nom de Ballet comique de la Royne. On en a entendu plusieurs fragmens au concert historique donné à Paris l’année dernière par M. Fétis. Cette pièce, exécutée par les plus grands seigneurs de la cour du roi, produisit une vive impression ; cependant, pendant un siècle, personne n’imagina de tenter un second essai du même genre.

En 1671 un nouvel opéra intitulé Pomone, fait à l’instar des opéras italiens qui existaient déjà depuis un siècle, fut joué à Paris. Le public prit goût à ces sortes d’ouvrages ; et Lulli, l’année suivante, commença à écrire pour l’opéra, où ses compositions occupèrent long-temps le premier rang. Lalande, à la même époque, fut un compositeur de musique d’église d’un rare mérite. La musique, alors protégée par la faveur royale, fit de très grands progrès sous le règne de Louis XIV ; mais ces progrès étaient loin de ceux qu’elle faisait en Italie entre les mains de Carissimi, de Stradella, de Scarlalti, de Corelli, et d’une foule d’autres savans maîtres.

Après la mort de Lulli, la musique décrut sensiblement en France ; l’art du chant devint faux, et la mélodie disparut sous les ornemens de mauvais goût dont les exécutans la surchargèrent. La musique était, en un mot, détestable, lorsque Rameau fit représenter à l’Opéra, en 1733, Hippolyte et Aricie ; on y remarque une puissance d’harmonie supérieure à ce qu’avaient produit ses prédécesseurs. Il composa et fit exécuter, en dix-sept ans, vingt-deux ouvrages, parmi lesquels on distingue Dardanus, Zoroastre, et surtout Castor et Pollux, où l’on trouve des chœurs qui produiraient encore un grand effet. Mais si Rameau fut grand harmoniste, il faut avouer qu’il perfectionna peu les formes mélodiques : ce ne fut qu’en 1752, c’est-à-dire lorsque la première troupe de chanteurs italiens vint à Paris, que l’on commença à comprendre ce qu’elles pouvaient être. Il résulta de la comparaison du chant français avec le chant italien une guerre d’opinion qui fit éclore un nombre immense de brochures, parmi lesquelles on distingue celles de Rousseau, de Voisenon, de Grimm, de Cazotte. Le public se partagea ; les Italiens furent renvoyés dans leur pays, puis rappelés. Enfin, après une longue guerre durant laquelle le goût et les progrès de la musique s’accrurent, le mérite des compositions de Pergolèse fut généralement reconnu ; l’Opéra-Comique fut fondé, et joua d’abord des ouvrages traduits de l’italien, parmi lesquels la Servante maîtresse obtint un succès qui ne fut démenti à aucune de ses reprises. Duni, Philidor et Monsigny s’essayèrent dans ce genre, jouirent d’une grande vogue, et furent suivis de Grétry dont les succès prodigieux sont connus de tout le monde.

Tandis que la musique faisait ainsi des progrès à l’Opéra-Comique, le grand Opéra conservait fidèlement les antiques allures. Gluck enfin fut appelé de Vienne par Marie-Antoinette, donna en 1774 son Iphigénie en Aulide, et dès lors son empire fut établi. Il fit représenter successivement Orphée, Alceste, Armide, Iphigénie en Tauride, où l’on trouve un grand nombre de beautés du premier ordre, et qui eurent un immense succès. Les symphonistes et chanteurs, obligés