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d’activité de notre nature, cependant, nous en avons d’autres à satisfaire, le besoin opposé, par exemple, celui du repos ; ensuite, des besoins affectueux, que contrarie une locomotion continuelle : le nid de famille, le berceau de l’enfant ne voyagent pas. Donc, même le voyage, l’action qui satisfait à la fois le plus grand nombre de nos aspirations, deviendrait, à durer toujours, quelque chose d’insupportable.

— Alors, le bonheur, c’est un composé de différents biens ?

— Oui, de ceux qui constituent l’expansion normale de nos forces et de nos facultés. À mon avis, c’est le voyage, non pas dans l’espace, mais dans la vie, le tour du monde de nous-mêmes, ou plutôt la spirale suivant laquelle nous nous élevons, par le développement constant de nos facultés, par l’agrandissement incessant de notre être. C’est là, je crois, le vrai bonheur humain ; autrement dit, le progrès indéfini dans le bien et dans le beau. Assurément les grands hommes, quelles que soient les traverses qu’ils subissent, ont de ce bonheur bien plus que le vulgaire ; et je crois qu’il faudrait plutôt s’inquiéter, au point de vue de la justice, de ceux dont l’existence monotone et sans essor semble n’être qu’une seule journée, répétée incessamment. Le bonheur en ce monde, Édouard, à ce qu’il me semble, est à toute conscience qui se connait, s’étend, grandit et aspire à sa perfection. »

Les rayons du soleil s’éteignaient un à un dans les feuillages. On se leva et l’on se remit à marcher, du côté de Paris. Au couchant, la Seine étincelait ; un des coteaux était plongé dans une ombre bleuâtre et douce ; l’autre, tout parsemé de lueurs et d’ombres, arrêtait le regard par de ravissants détails. La brise fraichissait ; les peupliers murmuraient. Sur un fond de calme solennel, se détachaient mille harmonies, muettes ou sonores. Édouard vint passer le bras sous celui de sa mère.

« Ô maman, lui dit-il, quelle bonne journée ! j’ai pensé, j’ai grandi ; je me sens meilleur, Au milieu de cette belle nature, j’ai la joie de ta tendresse. Je suis heureux ! »

Lucie B.
FIN DE LA JUSTICE DES CHOSES.



HISTOIRE D’UNE MAISON
DESSINS ET TEXTE
PAR VIOLLET-LE-DUC

XI.

LA CONSTRUCTION EN ÉLÉVATION.

« Il est entendu que nous élevons nos murs extérieurs en pierre de taille et moellon piqué, dit le grand cousin pendant qu’on arasait le rez-de-chaussée. Nous avons sur le sol une bonne partie des matériaux. Pour les pierres de grand