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LA JUSTICE DES CHOSES

ÉDOUARD MOQUEUR

Pendant ces vacances fut agitée une grosse question, touchant Édouard. Devait-il, à la rentrée, reprendre ses cours au collége, ou retourner chez M. Ledan ? Relativement au mode d’instruction, d’éducation, et quant aux avantages hygiéniques, on n’hésitait pas ; mais une séparation nouvelle coûtait beaucoup à chacun. On s’y décida pourtant, dans l’intéré : d’Édouard. Lui-même, il sentait combien lui étaient utiles et les intelligentes leçons de M. Ledan, et le milieu sain et fortifiant de la campagne. Il aimait aussi beaucoup la famille Ledan ; ce qui ne l’empêcha pas d’éprouver un vif chagrin d’avoir à quitter de nouveau ses parents. Il est bien rare qu’on puisse réunir toutes ses affections autour de soi. Heureux encore ceux qui sont assez riches en relations pour avoir beaucoup de ces regrets !

Édouard, donc, passa encore trois années à Trèves, pendant lesquelles il profita sérieusement des leçons de son professeur, et devint de plus en plus agile, vigoureux et bien portant. À quatorze ans, grâce à la vie régulière, calme et active qu’il avait menée, il semblait déjà par la taille presque un jeune homme, et n’en avait pas moins gardé au dedans toute la gaieté, et même l’enfantillage, que son âge comportait encore. Son instruction générale, quoique très-bien faite par M. Ledan, réclamait alors des études spéciales, qui ne pouvaient être sérieusement poursuivies qu’à la ville. Édouard quitta donc à cette époque sa seconde famille, non sans déchirement ; mais il était convenu qu’on se reverrait au moins tous les ans. Ernest lui-même quittait la maison paternelle et venait à Paris avec Édouard. De tous nos anciens petits amis, il ne restait à Trèves que Jules et Émile, qui se trouvaient maintenant les aînés de trois ou quatre nouveaux pensionnaires. Victor étudiait avec passion l’histoire naturelle, et surtout l’ornithologie, et se préparait, malgré sa pétulance, à devenir un savant ; non pas toutefois un savant sur place, mais un missionnaire de la science. Il rêvait d’expéditions scientifiques, jurant qu’il les ferait, au besoin, à lui tout seul. Charles préparait ses examens de baccalauréat, pour se donner ensuite à l’étude du droit. Amine avait son diplôme d’institutrice, et réclamait gaiement le respect dû à son titre, tout en continuant ses études, qu’elle était loin de juger complètes. Elle et Adrienne, qui avaient fait ample connaissance, s’aimaient beaucoup et s’écrivaient souvent. Amine devait aller passer un ou deux mois d’hiver chez son amie, et la famille d’Édouard devait séjourner à Trèves pendant les vacances. Voilà donc Édouard rentré dans sa famille, et un peu dans le monde ; car aux jours de vacances et de congé, il assistait à de petites réunions chez ses parents, ou chez leurs amis. Édouard était devenu un aimable et bon garçon. Grâce aux leçons de ses parents et de ses instituteurs, il avait commencé de bonne heure cette initiation à la vérité dans la vie humaine qui est la tâche de l’enfance. Il avait perdu beaucoup de défauts, non pas par la crainte d’un châtiment qui trop souvent ne fait que les suspendre, mais parce qu’il avait reconnu que ces défauts lui étaient nuisibles à lui-même, en même