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— N’oubliez pas au moins, dit-elle encore en les embrassant, que lorsqu’ils sont aimables et bons, les mamans sont si heureuses ! »


ÉDOUARD PEU SOIGNEUX

« Édouard ! comment ! tu sors comme cela ? Il manque deux boutons à ton gilet.

— Tu crois !

— Je fais mieux que de croire, je vois. Comment ne l’as-tu pas vu toi-même ?

— Oh ! je n’y avais pas fait attention.

— Eh ! mais ta chemise ! comme elle est fripée ! tu as oublié d’en changer hier soir pour ménager celle-ci ? »

Édouard baisse le nez, suffisante réponse :

« Il est bien fâcheux qu’avec les soins que je prends et les dépenses que nous faisons pour toi, et qui suffiraient pour d’autres, tu sois toujours si mal mis.

— Je ne sais pas comment faire, moi.

— C’est pourtant bien simple. Il faut s’imposer certains soins, légers d’ailleurs, d’ordre et de propreté, grâce auxquels tes vêtements garderont un aspect convenable, et feront tout l’usage possible. Par exemple, il a plu hier ; et je vois ce matin de la boue à ton pantalon. Comment, avant de le mettre, ne t’es-tu pas brossé ?

— C’est que… vraiment, tout cela n’en finit pas.

— Je ne te savais point si occupé ; mais tu le serais davantage qu’il n’en faudrait pas moins, par égard pour les autres et pour toi-même, veiller au soin de ta personne et de tes habits.

— Je le veux bien, puisque ça te fait plaisir ; mais ce sont là des exigences de la ville.

— Pas du tout, je t’assure ; les exigences de la ville, ou pour être plus précis, certaines exigences du luxe peuvent être mises de côté facilement, si l’on s’abstient d’entrer dans le milieu où elles règnent ; quant à l’ordre et à la propreté, ils sont de tous les lieux et de tous les temps. Pour être à la campagne, on ne cesse pas d’avoir des convenances à observer vis-à-vis des autres et de soi-même.

— Oh ! l’on ne regarde pas là-bas à quelques boutons de plus ou de moins ; et, si tu voyais M. Ledan les jours de pluie, avec ses pantalons garnis de cuir dans le bas…

— Cela me prouve précisément que M. Ledan ménage beaucoup ses habits. On ne peut pas, en effet, s’habiller à la campagne comme dans un salon, mais M. Ledan ne sortait pas de sa chambre avec des pantalons boueux et une chemise fripée, et, faute de boutons, l’ouverture de son gilet ne formait sans doute pas des triangles sur sa poitrine ?

— C’est vrai !

— J’en étais bien sûre, parce qu’en général, une personne qui a le sentiment du beau et du bien, l’étend à toutes choses. Ce sentiment règne dans la propreté ; et dans le besoin de l’ordre il y a aussi de la conscience.

— Oh maman ! pourtant, il ne manque pas de gens qui se laissent aller extérieurement, et sont très-honnêtes.

— Ces gens là peuvent se croire dans la donnée de l’honnêteté, sans cependant être de bonnes et de généreuses natures. Je serais bien étonnée si le décousu de leurs habitudes et le débraillé de leur mise ne se retrouvaient pas dans leur vie morale, et s’il n’y avait pas aussi dans leur conscience et dans leur conduite quelques boutons lâchés.

— On ne peut pourtant pas être par-