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jeunes amies l’ordonnatrice de ce beau coup d’œil.

— Non, pas encore.

— Oh ! que c’est ennuyeux ! mon dessert n’est pas complet ; c’est dommage.

— Est-ce un bonhomme de pain d’épice que M. Marcieux ? demanda une jeune étourdie.

— Non, c’est notre voisin de campagne. Et il doit m’apporter… Ah ! le voici !… »

Et Juliette s’avança vivement vers M. Marcieux, qui de son côté la cherchait. Mais en ce moment Mme Albin prenait place à table et marquait à ce monsieur une place non loin d’elle. Tout le monde s’assit, et Juliette se trouva fort loin de M. Marcieux. Cependant, il la vit bientôt, et la saluant, il allait lui adresser la parole quand elle dit la première, en lui montrant, d’un air et d’un geste de reproche, l’assiette vide.

« Oh ! notre voisin.

— Ma chère enfant, répondit-il, j’allais précisément vous dire pourquoi je vous ai manqué de parole, bien malgré moi. Les pêches que je me faisais le plaisir de vous offrir étaient les dernières de mon jardin ; je ne voulais les cueillir qu’au moment de les apporter, pour que leur parfum fût plus exquis, et lorsque, il v a une demi-heure, je vais à mon espalier, je le trouve dépouillé, brisé, et mes plates-bandes piétinées. C’est un ravage d’une sauvagerie !… un vol indigne !

— Est-il possible ? s’écria M®e Albin : nous avons des voleurs, ici… mais c’est terrible ! Qui peut avoir fait cela ? C’est sans doute la nuit dernière ?

— Non, reprit M. Marcieux, mes pêches y étaient ce matin. C’est un vol fait cette après-midi, en plein jour, avec une audace…

— Avez-vous des indices ?

— Oui, » dit M. Marcieux.

Édouard, pendant cette conversation, que tout le monde entendait, cor elle s’était établie avant toute autre, à ce moment de premier appétit où l’on ne cause guère, Édouard avait jeté les yeux sur Alfred. il payait d’audace, et d’un air dégagé, un peu affecté peut-être, causait avec une petite voisine. Quant à ses deux complices, il y en avait un qui était fort rouge, et l’autre qui pâlissait et perdait contenance visiblement.

« Avez-vous fait votre déclaration ? demanda M. Albin.

— Non. Et j’hésite à la faire.

— Et pourquoi cela ? demanda Juliette. C’est agréable, maintenant, si nous avons des voleurs dans le pays ! Il faut s’en débarrasser.

— Je pourrais faire une enquête, dit M. Mercieux ; car je possède une pièce de conviction : le mouchoir du voleur ou d’un des voleurs, je ne sais : il était resté entre les branches. Tenez, je l’ai apporté. »

Il tirait en même temps de sa poche un mouchoir à petites raies roses, marqué E. B. La mère d’Édouard le reconnut aussitôt pour celui de son fils, et pâlit en regardant Édouard de l’air étonné d’une personne quine comprend pas. Adrienne poussa une exclamation, regarda son frère également, et se troubla jusqu’aux larmes.

« E. B. » prononcèrent à voix haute les personnes voisines de M. Marcieux, et tout à coup, tous les yeux. se fixèrent sur Édouard, en même temps qu’une petite fille s’écriait étourdiment :

« C’est le mouchoir d’Édouard ! »

En voyant son mouchoir à la main de M. Marcicux, Édouard avait reçu comme un grand coup dans le cœur ; et maintenant il restait sur sa chaise, pâle, immobile et comme écrasé. Comment se justifier en effet devant de telles apparences ? Il avait répondu cependant au regard de sa mère par un regard qui lui disait : Ne doute pas ! Et quand tous les yeux se fixè-