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communication directe avec elle. Je m’en aperçois un peu tard. J’aurais dû né pas oublier que nous allions hiverner au-delà du soixante-dixième parallèle ! Mais enfin, ce qui est fait, est fait. — Dites-moi, Long, quelle quantité de bois reste-t-il dans la maison ?

— De quoi alimenter le poëte et le fourneau pendant deux ou trois jours au plus, répondit le sergent.

— Espérons que d’ici-là, reprit Jasper Hobson, la rigueur de la température aura diminué, et qu’on pourra sans danger traverser la cour du fort.

— J’en doute, mon lieutenant, répliqua le sergent Long en secouant la tête. L’atmosphère est pure. Le vent se maintient au nord, et je ne serais pas étonné que ce froid durât quinze jours encore, c’est-à-dire jusqu’à la lune nouvelle.

— Eh bien, mon brave Long, reprit le lieutenant, nous ne nous laisserons certainement pas mourir de froid, et le jour où il faudra s’exposer…

— On s’exposera, mon lieutenant, » répondit le sergent Long.

Jasper Hobson serra la main du sergent, dont le dévouement lui était bien connu.

Ou pourrait croire que Jasper Hobson et le sergent Long exagéraient, quand ils regardaient comme pouvant causer la mort la subite impression d’un tel froid sur l’organisme. Mais, habitués aux violences des climats polaires, ils avaient pour eux une longue expérience. Ils avaient vu, dans des circonstances identiques, des hommes robustes tomber évanouis sur la glace, dès qu’ils s’exposaient au dehors ; la respiration leur manquait ; on les relevait asphyxiés. Ces faits, si incroyables qu’ils paraissent, se sont reproduits maintes fois pendant certains hivernages. Dans leur voyage sur les rives de la baie d’Hudson, en 1746, William Moor et Smith ont cité plusieurs accidents de ce genre, et ils ont même perdu quelques-uns de leurs compagnons, foudroyés par le froid. Il est incontestable que c’est s’exposer à une mort subite que d’affronter une température dont la colonne mercurielle ne peut mème plus mesurer l’intensité !

Telle était la situation assez inquiétante des habitants du Fort-Espérance, quand un incident vint encore l’aggraver.

Jules Verne,

La suite prochainement.

(Reproduction et traduction interdites.)




LA JUSTICE DES CHOSES

ÉDOUARD COURAGEUX

Suite.

Le terrain qui s’étendait de l’autre côté du mur était un jardin plein de beaux légumes, de fleurs et d’arbres à fruits. Et le long du mur même se trouvaient des espaliers, quelques-uns déjà dépouillés, d’autres garnis de poires grossissantes, plus ou moins mûres, et enfin deux, à quelques pas, de pêches superbes, grosses comme le poing, et dont le parfum de maturité montait aux narines. Plus loin dans le jardin, rien que des fleurs innocentes qui riaient au soleil, et des légumes