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Mais voici qui est bien extraordinaire : c’est Lydia, la petite espiègle, qui vient de cacher l’anneau, en courant deux fois autour du cercle, comme un feu follet, et chacun, tour à tour nommé, a répondu :

« Je ne l’ai pas !

— Comment donc ! Il faut pourtant que l’anneau soit quelque part !

— L’avez-vous gardé, Lydia ? Cela, ce n’est pas de jeu.

— Non, répond la petite folle, en riant aux éclats et en ouvrant, aussi grandes qu’elle peut, ses petites mains. Non, je ne l’ai pas gardé. Quelqu’un l’a, et il a dit qu’il ne l’avait pas. »

Tout le monde se regarde, et Édouard que tout impressionne est déjà troublé. On va croire que c’est lui qui a menti.

« Oh ! fort bien ! s’écrie une fillette, propriétaire de l’anneau (un petit anneau de cornaline), qui donc prétend me garder mon bien ? »

Cette phrase est dite en plaisantant, et cependant le rouge monte au visage d’Édouard… Un des enfants, qui s’en aperçoit, chuchote à l’oreille de son voisin, qui regarde Édouard à son tour. Le pauvre enfant devient pourpre. Tout à coup, la petite Marthe, qui est près de lui, s’écrie :

« Oh ! oh ! je le vois bien, moi, le voleur !

— Qui donc ?

— Qui ? » demanda-t-on.

Et grâce à l’embarras et à la rougeur d’Édouard, tous les yeux se fixent sur lui.

« C’est lui, dit Marthe, en montrant du doigt Édouard. »

Car Marthe n’a que six ans, et il lui reste à apprendre plusieurs chapitres de la politesse.

En suivant la direction de ce petit doigt, l’on aperçoit, en effet, l’anneau de cornaline, passé dans un bouton de l’habit d’Édouard.

« Oh ! oh ! c’est lui !

— C’est lui ! »

Et Lydia, en se renversant sur sa chaise, rit de tout son cœur.

Tout le monde comprend que c’est là une plaisanterie de l’adroite espiègle ; mais Édouard, lui, éperdu, affolé, a perdu la tête. Il n’a compris, il n’a entendu que l’exclamation de Marthe, qui, en le montrant, a dit :

« C’est lui le voleur ! »

Il se croit l’objet d’un affront public, la victime d’un complot fait pour l’humilier.… L’écarlate de ses joues fait place tout à coup à une pâleur mortelle, et il jette l’anneau par terre en s’écriant :

« Ce n’est pas vrai ! non ! ce n’est pas vrai ! Je ne l’ai pas… »

La voix s’arrêta dans sa gorge ; il se lève, chancelle, et retombe sur sa chaise, étouffé de sanglots, en se couvrant le visage de ses deux mains.

Dans le cercle des enfants se trouvaient des jeunes filles, sœurs aînées, qui dirigeaient les, jeux, et plus d’une maman aussi venait de temps en temps, s’appuyant sur Je dossier d’une chaise, écouter le babillage des joueurs, et sourire à leur entrain.

L’émotion d’Édouard fut donc aussitôt connue de tout le salon, et les enfants eux-mêmes ne purent s’empêcher de chercher, de demander la cause d’une impression si vive, à l’occasion d’une simple plaisanterie.

Pauvre Édouard ! Il sentait bien lui-même que de commentaires et d’explications il venait de provoquer. Aussi rentra-t-il chez lui désespéré, accompagné de sa mère, qui S’était hâtée de l’emmener, le disant un peu malade, et de sa sœur étonnée, et qui, n’y comprenant rien, le croyait malade en effet.

Il l’était, le pauvre enfant, et sa maman, le traitant comme tel, le fit coucher aussi-