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ple qu’avaient Mme Ledan et sa fille ; elles parlaient avec recherche et en chantonnant, trainaient leurs jupes à grands bruit et prenaient partout beaucoup de place. Tout d’abord, les enfants les prirent en grippe, sans trop bien savoir pourquoi ; peut-être parce que ces dames, trop occupées d’elles-mêmes et dédaigneuses, ne firent pas la moindre attention à eux.

Il n’y eût qu’Amine qui accueillit avec plaisir les nouvelles venues. Il est vrai que leur visite, celle des demoiselles, s’adressait à elle tout spécialement ; mais Amine y mit plus que de la politesse et de la bienveillance ; de sa part ce fut une sorte d’enthousiasme. Elle ne s’occupa plus que de ses amies et parut oublier complétement avec elles la petite bande de frères et de camarades dont elle faisait partie quelques jours avant.

En outre — et cela mit le comble à l’indignation, — Amine, afin de ressembler à ces demoiselles, mit comme elle des rubans dans ses cheveux, et une robe longue, au lieu de cette jupe courte et de ces pantalons, qui la faisaient ressembler à un bon petit garçon, meilleur que les autres, et on la vit se promener dans les allées du jardin avec ses amies, d’un air mystérieux et composé, parlant bas entre elles, et riant tout haut, comme si elles avaient des secrets ensemble ou se moquaient de quelqu’un.

Tout d’abord, naturellement, les enfants avaient voulu les suivre et s’amuser avec elles, mais les amies d’Amine avaient déclaré — déclaré tout haut ! — que c’était fatigant et désagréable d’avoir cette marmaille sur les talons !

Cette marmaille !… Mais Victor et Charles étaient de l’âge d’Amine, après tout : et pour un an ou deux que ces Angevines avaient de plus, de pareils embarras, n’était-Ce pas à faire pitié ?

La marmaille fut indignée ; bien plus, blessée au cœur. Car Amine avait accepté cela, elle ! Elle n’avait pas protesté ! Elle s’associait aux dédains de ces demoiselles ! Elle ! Amine ! si bonne et si simple auparavant !

Elle avait bien toujours, il faut le reconnaître, pris, vis-à-vis de ses camarades, de petits airs maternels : jusqu’à dire quelquefois : mon enfant, même au grand Victor ! Les grands se moquaient de cela ; mais les petits l’auraient plutôt trouvé doux, et comme Amine, avec cela, était bonne vraiment, serviable, qu’elle raccommodait volontiers les petits malheurs, pansant également, au besoin, les doigts écrasés, les blouses déchirées, les nez en compote, ou les cahiers en lambeaux, on ne pouvait, au fond, lui en vouloir de faire ainsi la petite maman. Ce petit ridicule, si c’en était un, était justifié par de bons sentiments et avait son charme. — Oh ! mais à présent ! Quoi ! c’était ainsi. Mlle Amine ne tenait pas plus que cela à ses amis, et les lâchait à la première occasion pour des étrangères ! Et les traitait, ou les laissait traiter de… marmaille ! C’était affreux ! Cela criait vengeance !… Ah bien maintenant, on s’y laisserait prendre à ses façons maternelles ! Un genre que mademoiselle voulait se donner, tout simplement ! Une façon de faire sa petite femme ! Mais Iles mamans ne rejettent pas comme cela leurs enfants pour les premières venues. On saurait maintenant à quoi s’en tenir. On ne l’aurait pas cru, oh non certes ! mais on ne l’oublierait pas. — Parce qu’on était des garçons ! — Fort bien. Quand les belles amies seraient parties, on rappellerait à Mie Amine qu’on n’était encore et toujours que d’indignes petits garçons, étrangers aux belles manières, ignorants des modes et colifichets, de la marmaille en un mot, et qu’une personne de son importance ne pouvait pas jouer avec ces gens-là. Alors elle