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LA JUSTICE DES CHOSES

Mlle AMINE ET Mme LA JUSTICE DES CHOSES FONT CONNAISSANCE

Arrivaient les vacances de Pâques. Édouard ne les devait point passer à Paris, non-seulement parce qu’il n’était à Trèves que depuis un mois, mais aussi parce que le triste motif pour lequel son exil avait eu lieu ne faisait point désirer à ses parents qu’il revint sitôt. Édouard en était attristé. Cependant il sentait lui-même déjà combien sa santé physique et morale s’améliorait dans le milieu sain et charmant où il vivait. Il sentait à la fois sa poitrine s’élargir et ses idées s’étendre, et il lui semblait que, sous l’influence de l’air pur qui dilatait ses poumons, son âme aussi s’élevait et se purifiait. De plus en plus, il détestait les fautes qu’il avait commises ; seul, parfois, en y songeant, une âpre rougeur lui montait au front, et il eût donné beaucoup pour les effacer, si ce qui a été pouvait être effacé jamais.

Du moins ses fautes, si graves, si honteuses, s’éloignaient de lui pour ainsi dire, et lui devenaient comme étrangères, au point qu’il ne comprenait déjà plus comment il avait pu les commettre. Il recevait de sa mère des lettres, attristées sans doute, mais toujours tendres, qui le remplissaient de courage, en lui répétant qu’une bonne volonté sincère peut racheter toutes les fautes et rendre toutes les vertus ; et il répondait à ces lettres avec une effusion de repentirs, de promesses, de tendresses, qui le soulageait un peu, et ramenait la confiance et la joie — il le voyait bien — au cœur de sa mère. C’était depuis qu’Amine l’avait arraché à sa morne tristesse qu’Édouard pouvait s’épancher ainsi et qu’il se sentait meilleur ; et il aimait Amine à cause de cela. Édouard écrivait aussi à sa sœur et lui parlait de son jardin, de ses jeux, de ses camarades, et de tous les graves petits événements qui prenaient place dans sa vie. Ces lettres-là étaient surtout gaies ; car Adrienne n’avait pas été instruite par ses parents des fautes de son frère, ce dont Édouard leur était vivement reconnaissant. On avait craint que l’amitié fraternelle en fût chez elle ébranlée, peut-être à jamais, et l’on avait eu raison ; car, nous l’avons vu, les enfants sont rarement indulgents. Adrienne était donc la même pour son frère et regrettait son absence. Quant au papa, il n’écrivait pas à Édouard. Mais il recevait de M. Ledan les meilleurs témoignages sur la conduite de son fils, et Édouard savait qu’en continuant de bien foire il était sûr du pardon de son père dans l’avenir.

Pendant ces vacances de Pâques, il vint de nouveaux hôtes dans la famille Ledan. C’était une de leurs amies et ses deux filles, un peu plus âgées qu’Amine, l’une avant quatorze ans, et l’autre seize ; ces dames, qui venaient d’Angers, étaient élégantes, portaient des robes à grands falbalas, des corsages garnis, des nœuds de ceintures plus larges qu’elles, des rubans dans les cheveux, et des cheveux plus que la nature n’en peut fournir, qui trainaient sur leurs épaules. Ce n’était pas absolument laid, mais un peu affecté peut-être et le ton de ces dames l’était aussi. Elles n’avaient pas ce bon air sim-