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effet d’irriter le mal. Si tu avais la fièvre et que pour cela on te donnât force coups de poing, trouverais-tu le traitement convenable ? »

Comme la maman achevait de parler ainsi, Édouard rentra. Cette fois, sans bruit, et il alla s’asseoir dans le coin le plus obscur de la chambre.

« Ne viens-tu pas te chauffer un peu, Édouard ? » dit la maman ; car les soirées étaient fraîches, et le feu n’était pas encore éteint dans la cheminée.

« Merci ! » répondit le petit garçon. Le ton rauque dont il dit ce mot parut malhonnête à Adrienne ; mais la maman, elle, ne s’y trompa pas ; elle se leva, marcha vers Édouard, et, passant la main sur son visage, elle la retira mouillée. Édouard pleurait.

« Qu’as-tu donc, mon pauvre enfant ? fit-elle en l’attirant dans ses bras, puis sur ses genoux. »

Il résista d’abord un peu, puis, sous cette douce pression, il ouvrit les bras aussi, en entoura le cou de cette mère chérie, et se mit à sangloter sur son sein.

« Je le savais bien, reprit-elle, que tu avais du chagrin. Mais quel est-il ? De quoi pleures-tu ? »

Il fut longtemps, bien longtemps à pouvoir le dire, et ce ne fut qu’après avoir fait promettre à sa maman qu’elle n’en parlerait à personne !… personne !… car il y avait de l’effroi dans cette douleur. Enfin, par une série de confidences entrecoupées, elle apprit les détails suivants : En allant au collége, Édouard croyait y trouver des enfants tels que ses camarades de la ville, et disposés comme eux à jouer tout simplement avec lui. Il ignorait que les enfants en troupe ont certaines qualités et certains défauts, et qu’en vertu d’une tradition fâcheuse des colléges, — que l’on cherche à faire disparaître, mais qu’entretient malgré tout la malice de quelques vauriens, le pauvre « nouveau » est sujet à mille épreuves et avanies.

Déjà, dans la classe, on avait, comme par mégarde, tiré son siége ; on lui avait poussé le coude, ce qui avait fait surgir, au milieu de ses pattes de mouche, un pic de l’Himalaya. Comme on sortait pour aller en récréation, un des grands, de la première division, en passant près d’Édouard, lui allongea un coup de pied qui fit pousser un cri au pauvre garçon…

« Ne criez pas si fort, monsieur, lui dit alors le mauvais plaisant ; vous ne m’avez pas fait grand mal ; mais au moins, une autre fois, prenez garde.

— Vous l’avez fait exprès ! s’écria Édouard indigné. »

Et la douleur qu’il éprouvait, aussi bien du coup de pied que de l’offense, amena des larmes dans ses yeux.

« Tiens ! il pleurniche ! oh ! oh ! qu’il est drôle ! »

Et l’on fit cercle autour d’Édouard.

« Quel est cet animal aquatique ? demandait l’un.

— C’est un des dauphins de la place de la Concorde qu’on a placé ici pour son éducation. Il ne peut pas s’empêcher de verser de l’eau.

— A-t-il des écailles ? dit un de ces polissons, en pinçant Édouard par derrière. »

Édouard, furieux, se retourna et lui lança un coup de poing. La riposte vint de plusieurs côtés à la fois, et seul contre tous, Édouard ne pouvait manquer d’avoir le dessous. Il avait déjà reçu quelques dures bourrades, quand un maître d’étude vint l’arracher à ses persécuteurs. Le pauvre enfant, si mal accueilli, se retira dans un coin de la cour, où il se mit à verser des larmes amères. Qu’avait-il fait ? Pourquoi lui voulaient-ils du mal ? Ah ! qu’il se repentait de s’être fait envoyer