Page:Magasin d education et de recreation - vol 15 - 1871-1872.djvu/373

Cette page n’a pas encore été corrigée

ces conditions était peu agréable. Aussi, puisque le ciel était pur, et que les constellations brillaient au firmament, les trois astronomes passèrent toute la nuit à prendre des hauteurs d’étoiles. Cela valait mieux, à coup sûr, que de s’enfoncer jusqu’au cou dans cet édredon de sauterelles. D’ailleurs, les Européens auraient-ils pu trouver un instant de sommeil, pendant que la plaine et les bois retentissaient des hurlements des bêtes fauves, accourues à la curée des criquets !

Le lendemain, le soleil déborda d’un horizon limpide, et commença à décrire son arc diurne sur un ciel éclatant qui promettait une chaude journée. Ses rayons eurent bientôt élevé la température , et un sourd bruissement d’élytres se fit entendre, au milieu de la masse des locustes qui se préparaient à reprendre leur vol, et à porter ailleurs leurs dévastations. Vers huit heures du matin, ce fut comme le déploiement d’un voile immense qui se développa sur le ciel et éclipsa la lumière du soleil. Toute la contrée s’assombrit, et on eût pu croire que la nuit reprenait son

cours. Puis, le vent ayant fraichi, l’énorme nuée se mit en mouvement. Pendant deux heures, avec un bruit assourdissant, elle passa au-dessus du campement plongé dans l’ombre, et elle disparut enfin au delà de l’horizon occidental.

Mais, quand la lumière raparut, ou put voir que les prédictions du bushman s’étaient entièrement réalisées. Plus une feuille aux arbres, plus un brin d’herbe aux prairies. Tout était anéanti. Le sol paraissait jaunâtre et terreux. Les branches dépouillées n’offraient plus au regard qu’une silhouette grimaçante. C’était l’hiver succédant à l’été, avec la rapidité d’un changement à vue ! C’était le désert, et non plus la contrée luxuriante !

Et l’on pouvait appliquer à ces criquets dévorants ce proverbe oriental que justifie encore l’instinct pillard des Osmanlis : L’herbe ne pousse plus où le Turc a passé ! L’herbe ne pousse plus où se sont abattues les sauterelles !

Jures Vanne.

La suite prochainement.

Reproduction et traduction interdites.


LA JUSTICE DES CHOSES

ÉDOUARD AGRICULTEUR

Trois jours plus tard, après trois belles matinées d’aube et de soleil levant, les fauteuils de mousse étaient achevés, et Amine remerciait avec effusion ses deux aides, sans lesquels il lui eût été bien difficile de faire ce grand travail. 1] ne s’agissait plus maintenant que de laisser les mousses projeter leurs racines dans le nouveau terrain qui leur était offert, c’était à elles seules d’achever et de consolider l’œuvre, et, pour en obtenir cette grâce, on Îles entourait de soins ; on les arrosait chaque soir ; on les protégeait chaque jour contre l’ardeur du soleil. Bientôt, on allait pouvoir s’y asseoir tous, en rond, les visages tournés les uns vers les autres, sous la voûte ombreuse du catalpa. Oh ! que ce serait doux et joli ! Mais alors il vint une autre idée : Pour compléter le charme et la commodité, il