Page:Magasin d education et de recreation - vol 15 - 1871-1872.djvu/321

Cette page n’a pas encore été corrigée

de correction, c’est-à-dire à une prison spéciale destinée à l’enfance.

Après cette affaire, le père d’Édouard se leva, et ils sortirent et reprirent le chemin de la maison. Ils gardaient le silence ; mais que de pensées se pressaient dans l’esprit d’Édouard ! Il comprenait bien pourquoi son père l’avait fait assister à ces jugements. Cet homme et cet enfant, condamnés par le tribunal, étaient cent fois moins coupables que lui. L’homme avait dérobé par besoin extrême, tandis que lui, Édouard, ne manquait de rien. L’enfant, à qui le mal seul avait été enseigné, ne pouvait produire que le mal, tandis que lui, Édouard, comblé des plus tendres soins, nourri de caresses, entouré de bons exemples, enseigné de la manière la plus douce et la plus intelligente, le bien, le bon et le beau lui avaient été offerts sous toutes les formes ; il n’avait eu qu’à les accepter… et il les avait rejetés… Jamais encore il n’avait senti si profondément sa faute, et il comprenait trop bien que son père ne pouvait plus avoir confiance en lui.

Ce soir-là, Édouard se promit d’accepter, sans plus protester, la peine, comparativement si douce, qui lui était imposée, et de résister, dans l’institution où il allait entrer, à tous les mauvais conseils, en méritant, par une excellente conduite et l’assiduité au travail, le pardon de ses parents.

Mais, de telles émotions, les ennuis, les terreurs dont la vie d’Édouard avait été remplie, depuis le jour où il avait eu à cacher ses mauvaises actions, l’effet pernicieux des liqueurs et du cigare, toutes ces causes réunies déterminèrent une maladie chez ce pauvre enfant. Il garda le lit pendant trois semaines. L’idée de l’internat au collége, qui ne plaisait point à la maman, fut abandonnée quand le médecin déclara que l’air de la campagne serait nécessaire au rétablissement d’Édouard. Un ami de la famille parla alors d’un homme bon, instruit, retiré à la campagne, dans l’Anjou, avec sa famille, qui faisait lui-même l’éducation de ses enfants et prenait quelques pensionnaires.

Le père d’Édouard, avant de se décider à confier son fils à M. Ledan, voulut le connaître. I] fit donc d’abord le voyage. Le résultat de son examen l’ayant satisfait, il revint. C’en était fait, Édouard allait quitter la maison paternelle. Il était guéri, et partit bientôt après, sous la garde d’un ami de M. Ledan qui retournait en Anjou. C’était au commencement du printemps. Le regard de sa mère et de sa sœur, la suprême tristesse empreinte sur le visage de son père quand la séparation dut s’accomplir, Édouard les oubliera-t-il jamais ?

Lucie B.

La suite prochainement.


Ce n’est pas sans raison qu’en médecine on a reconnu en bien des cas la nécessité de ce qu’on appelle « les amers ». Il en est de mème en morale. Tout ne peut pas se guérir au sucre et au miel. Les livres sains ne sont donc pas nécessairement ceux seulement qui ne présentent au lecteur que des scènes de bonheur et d’innocence. A côté des riants récits de la vie heureuse, il est utile qu’on ait de lemps en temps sous les yeux quelques lectures d’un intérèt plus ferme et d’apparence moins plaisante et mème plus sombre. Dans le voyage de la vie toutes les routes ne sont pas semées de roses et de pastilles de chocolat, quelques-unes sont bordées de précipices, d’autres conduisent à des abimes quelquefois cachés, comme le fameux serpent, sous des fleurs. Il est bon

que le voyageur soit sur ses gardes, un homme

averti en vaut deux, et qu’il sache que si, bien guidé ou bien inspiré, il peut échapper à des périls que d’autres n’auront pas évités, il en est de moins favorisés qui n’arrivent pas sans chutes et sans meurtrissures au bout de la carrière. P.-J, Sranz (Morale familière).