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d’une fièvre typhoïde, mais déjà convalescent, a été empoisonné par sa mère : cette malheureuse femme, qui ne sait pas lire, s’est trompée de fiole et lui a fait boire un mélange toxique destiné à des frictions. L’enfant est mort au bout de quelques heures dans de vives souffrances, et la malheureuse mère, en le voyant ainsi périr par sa faute, a perdu la raison. »

« Oh ! c’est affreux ! s’écria Adrienne en cachant sa tête dans ses mains. La pauvre mère ! »

Édouard eut un frisson en songeant aussi : le pauvre enfant !

« Un exemple comme celui-ci fait beaucoup d’impression, parce qu’il est éclatant et tragique, reprit la mère ; mais combien d’enfants ou de malades périssent tous les jours par l’ignorance des personnes appelées à leur donner des soins, et parce que l’hygiène est une science ignorée à peu près de tout le monde.

« Dans le Limousin, poursuivit-elle, j’ai vu, par une froide matinée de septembre, des villageois partir, soit à pied, soit en charrette, avec des enfants malades de la fièvre. Où allaient-ils ? À trois ou quatre lieues, tremper ces petits malheureux dans une fontaine à laquelle ils attribuent la propriété de guérir les fièvres. J’ignore si jamais ce traitement a pu guérir un enfant robuste ; mais parmi ceux qui meurent de la fièvre, combien sont morts, sans doute, de l’immersion !

— Brrr ! fit Édouard ; mais c’est de la barbarie, cela.

— Sans doute, et la science seule nous arrache à la barbarie. Un mal (et les maux ne manquent pas encore dans le monde) un mal est presque toujours une ignorance. »

Édouard parut frappé de ces considérations, et pendant quelques jours, il étudia beaucoup mieux. Mais peu à peu, cette bonne impression s’effaça, et il se laissa aller, comme auparavant, à la paresse. Il griffonnait ses devoirs, sans presque y songer, bien vite, pour avoir plus tôt fini. Quant à ses leçons, on le voyait des heures entières, perché sur un pied, se dandinant, sifflant, causant, regardant de tous côtés, près de son livre ouvert, qu’il aurait aussi bien pu tenir fermé. Il s’occupait encore à faire la caricature d’Adrienne, ou des figures fantastiques, avec des nez longs d’un pied et des bras plus courts que le nez.

Tout cela n’avançait pas son instruction, Sa maman en était chagrine ; et son papa disait :

« Il faudra bien le mettre au collége, puisqu’il ne veut rien faire avec nous. »

Quand les parents menacent ainsi, en général, ce sont eux qui ont le plus peur d’être obligés d’exécuter leur menace. Les petits vauriens, qui se savent aimés, devinent cela fort bien ; aussi, se fiant sur cette tendresse, ne changent-ils point de conduite. Mais les parents, pourtant, arrivent à se vaincre pour le bien de leurs enfants. Donc, après avoir dit pendant longtemps : « Il faut mettre Édouard au collége », du ton d’un homme qui n’en veut rien faire, le papa dit un soir, en rentrant, d’un tout autre ton :

« Je viens de m’entendre avec le proviseur ; Édouard commencera la semaine prochaine. »

Précisément, en ce moment, Édouard s’occupait à expédier en quelques lignes un devoir qu’il avait négligé de faire pendant tout le jour, et qu’il devait montrer à son papa. Il leva la tête, un peu surpris. La mine de son papa était aussi sérieuse que son ton avait été net, et la maman soupirait en baissant la tête, ce qui disait clairement qu’elle avait accepté ce parti, qu’elle ne croyait plus devoir s’y opposer.

Alors Édouard se sentit le cœur serré.