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rai… je vous enverrai une somme… la plus grosse que je pourrai… je vous le jure ! je vous en donne ma parole d’honneur !… »

Le cafetier, car c’était lui. Édouard reconnut sa voix, ricana.

« Ta parole d’honneur ! dit-il. Ah ! ah ah ! Est-ce que les voleurs ont une parole d’honneur ? Ah ! mon vaurien, tu voulais bien voler ; mais tu ne voulais pas être vu. Eh bien, non : ça n’est pas ça. Les voleurs, au contraire, ça se fait voir ; ça s’expose en pleine rue, entre deux gendarmes, et c’est comme ça que tu vas être conduit en prison.

— Non ! je vous en supplie ! ne faites pas cela ! criait le malheureux enfant, fou de désespoir, en se traînant aux pieds de cet homme. Non ! ce serait mal, voyez-vous. Quel bien ça peut-il vous faire de me déshonorer ? Je veux être honnête maintenant. Oh ! oui ! Je le veux ! Je le veux ! Je le serai. Ne me perdez pas ! Maman oh ! maman !…

— Ah ! ah ! voici le moment des jérémiades, à présent. Vous saviez rire en buvant mon vin, canailles que vous êtes ! »

À l’entrée de la cave, la lumière brilla. Édouard couvrit de ses deux mains son visage.

« Oh maman ! répéta-t-il, ma pauvre maman ! »

Et se rapprochant du cafetier, dans une exaltation telle que toute son âme passait dans sa voix :

« Oh ! tenez, monsieur, non vraiment, vous ne pouvez pas faire cela ; ce serait trop mal ! Vous ne voulez pas perdre toute la vie d’un enfant. Vous seriez un trop méchant homme ! Maman, vous ne la connaissez pas, elle en mourrait de chagrin. Eh bien, punissez-moi tout seul, si vous voulez une vengeance. Oui, j’y consens, laissez-moi là dans cette cave, toujours si vous voulez. Mes parents me pleureront ; mais ils ne sauront pas que suis un Voleur !… »

Il était trempé de sueur, de larmes ; ses membres tremblaient ; sa voix était déchirante.

« Diable de polisson, va ! dit celui qui tenait la lumière ; ça fait de la peine tout de même, »

En entendant cette parole de pitié, Édouard, sans ôter ses mains de son visage, se tourna vers celui qui l’avait prononcée :

« Oh oui ! vous, ayez pitié de moi ! Vous êtes bon, je le sens. J’ai bien mal agi ; mais je suis trop, trop puni. Je serai honnête maintenant. Oh ! vous verrez ! Ne me perdez pas. Laissez-moi aller seulement, et je ferai tout ce qu’on voudra. »

Mais le cafetier ne fit que rire de ces paroles :

« Jolie garantie ! dit-il.

— Une garantie ! reprit Édouard. Eh bien, que faut-il faire ? Quelle garantie puis-je vous donner ! Dites ! oh dites ! Je ferai tout !

— Saprebleu ! dit le garçon de café, dont Édouard en ce moment se rappela la voix honnête et la figure douce, pourquoi faut-il] qu’on ne comprenne si bien le mal d’une mauvaise action qu’après l’avoir faite ? C’est égal ; ce petit est bien malheureux, bourgeois, faut pas le désespérer. Sûr, il ne recommencera plus.

— Peuh ! laissez-moi donc tranquille. I] ne pensera qu’à s’y prendre mieux, voilà tout.

— Je suis sûr que non, reprit le garçon. Tenez, laissez-le aller, patron, et s’il ne vous apporte pas le prix des bouteilles, c’est à moi que vous le retiendrez. »

Édouard sentit à ce moment quel génie supérieur à tout est la bonté, et dans un élan de reconnaissance, il se précipita vers le garçon de café, et lui prenant la main [a baisa de tout son cœur.