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Édouard fut très-mortifié de ce qu’on ne le croyait bon qu’à toucher des joujoux, et ne se rendit point aux observations de son oncle. Si bien qu’un jour, étant dans le cabinet des armes avec sa sœur et d’autres enfants, il reprit un des fusils et l’arma.

« Ne touche pas à cela, Édouard ! s’écria Adrienne.

— Poltronne ! Les petites filles, ça a peur de tout.

— C’est que tu ne sais pas L’en servir. Il peut arriver malheur.

— Je ne sais pas m’en servir ! Ah ! tu crois ! Tiens, voilà comme on met en joue et comme on… »

Il n’avait pas achevé que le coup partait et qu’Adrienne s’affaissait sur le plancher. Le malheureux enfant faillit perdre la tête. L’arme tomba de ses mains ; pâle comme un mort, il se jeta sur sa sœur, l’étreignit de ses bras et s’évanouit.

Quand Édouard revint à lui, faible et n’ayant pas encore le souvenir net de ce qui s’était passé, il se vit sur son lit et, debout près de lui, tenant sa main dans la sienne,

Adrienne tout en pleurs. En voyant son frère ouvrir les yeux et la regarder, elle se pencha sur lui et le couvrit de baisers.

« Oh ! mon cher Édouard, tu vois, je ne suis pas blessée, je ne suis pas morte, je n’ai rien ! C’est moi-même qui me suis jetée par terre quand j’ai vu le canon du fusil dirigé sur moi, et le plomb n’a frappé que le mur, qui est tout criblé par exemple ! Tu verras. Mais ta petite sœur ma rien, mon cher Loulou, et il ne faut pas être malade ! »

Édouard alors se rappela tout et frémit. Il embrassa Adrienne en sanglotant.

L’affreuse peur qu’il avait eue avait tellement ébranlé ses nerfs, qu’il fut souffrant pendant plusieurs jours. Mais, à partir de cet incident, on n’eut presque plus d’étourderies à lui reprocher. De plus, sa sœur et lui vécurent en meilleur accord ; et quand ce souvenir traversait leur esprit, ils s’embrassaient, car ils avaient senti, dans cette occasion, qu’ils s’aimaient bien.

Lucie B.

La suite prochainement.


HISTOIRE D’UNE POMME

III.

Un soir, par une nuit claire où la lune du chasseur brillait dans tout son éclat, je pendaïs pensive sous ma branche. J’entendis un pas furtif, puis des voix qui chuchotaient derrière la haie ; tout à coup un homme de mauvaise mine, suivi de deux garçons força le passage à l’endroit où la haie était le moins épaisse. Ils portaient un sac et une échelle : jugez de mon horreur lorsque je les vis dépouiller à la hâte les arbres voisins et remplir leur sac de pommes !

Un de ces sauvages me fit frémir : il mordait avec le sang-froid du criminel le

plus endurci dans une superbe Reinette dorée avec ses larges dents blanches qui brillaient au clair de lune. En un instant le beau fruit avait disparu. J’étais terrifiée. Quoi ! c’est ainsi que meurent les pommes, et notre tour va venir. Les yeux de ces ravisseurs passaient en revue nos nobles rangées, et la main détestable du voleur touchait déjà le tronc de notre vieil arbre, quand j’entendis la voix de Reginald rappelant les chiens et accourant bravement à la rescousse ; pour cette fois nous étions sauvées !

L’homme saisit son sac, et suivi des deux