Page:Magasin d education et de recreation - vol 15 - 1871-1872.djvu/166

Cette page n’a pas encore été corrigée

Elle passa toute la nuit près de lui, tenant sa main dans la sienne et le défendant en quelque sorte contre les fantômes de ses rêves, quand il retombait par moments dans le sommeil.

Pendant un de ces réveils pleins d’agitation :

« Maman, demanda-t-il, qu’est-ce que la justice des choses me fera ?

Ne la sens-tu pas en toi, mon fils ? lui répondit-elle. C’est par elle que tu souffres en ce moment. »

Édouard sentit que c’était la vérité ; et alors il se demanda à lui-même si ce tourment durerait longtemps. Et sa raison lui répondit :

« Aussi longtemps que le souvenir.

Hélas donc, toujours ? Ah ! oui, la punition est sévère ! »

Et sa raison reprit :

« Que peux-tu faire pour rendre la vie au pauvre chien et pour effacer ta cruauté ? »

Rien, hélas ! il ne pouvait rien ! N’était-il donc pas juste que le souvenir, c’est-à-dire le remords, fût éternel, puisque l’action était irréparable ?

Et cependant, comme la mort clôt la souffrance, le temps atténue le souvenir. C’est le résultat et le bénéfice de notre faiblesse. Après cette nuit cruelle, Édouard peu à peu se remit d’une impression si poignante. Il redevint même étourdi, gai, léger, selon son âge. Toutefois ce remords resta dans sa mémoire et fut toujours douloureux. Il le garda même quand il fut devenu homme ; car le mal est le mal, n’importe à qui on le fait, et Édouard ne fut jamais de l’avis de ceux qui considèrent comme un tort de peu d’importance la cruauté envers les animaux. Il sentait que si nous devons respecter l’humanité dans nos semblables, nous devons respecter aussi dans dans les animaux ce qui nous est commun avec eux, c’est-à-dire la sensibilité physique, sans compter d’autres sensibilités qui, à divers degrés, les rapprochent de nous.

Lucie B.

La suite prochainement.



LE CHEMIN GLISSANT
PAR P.-J. STAHL ET MARCO WOVCZOK
ILLUSTRATIONS PAR FRŒLICH

XVIII.

« Ta mère est là, Julie est là, Marie est là, dans le jardin, » vint dire un jour le correspondant de Jacques à Henri.

Par extraordinaire, Henri reposait dans un fauteuil. Les veilles, la fatigue, et plus encore les émotions qu’il avait refoulées, avaient fini par le jeter dans une sorte de langueur contre laquelle ses nerfs seuls et son énergie morale parvenaient à réagir. Mais à cette nouvelle : « Ta mère est là, » bien qu’il l’attendit tous les jours, à cette nouvelle, il fondit en larmes. C’étaient les premières larmes qu’il eût versées depuis qu’il faisait son métier de garde-malade. Il faut croire que ces larmes étaient déjà moins amères que celles que si souvent nous l’avons vu répandre, car elles semblèrent le soulager. Les autres, celles d’autrefois, lui brûlaient les yeux. « Laissez-moi pleurer, dit-il, pleurer