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ANDRÉ LAURIE

loppé d’un mouchoir à carreaux ; il le découvrit et le prit entre ses mains.

Et comme si ce débris de la Grande-Armée avait eu le pouvoir d’évoquer les scènes d’autrefois, il revit soudain le temple de Philœ, le Nil majestueux et l’inscription de Desaix, si laconiquement fière !…

La promesse solennelle faite à son bienfaiteur, en cette heure inoubliable, il l’avait tenue… Il avait émergé de la foule ; il était quelqu’un !

Doucement, il posa les lèvres sur l’aigle ternie :

« Grand-père, murmura-t-il, merci !… »


J. de Coulomb.

LES CHERCHEURS D’OR DE L’AFRIQUE AUSTRALE

COLETTE EN RHODESIA
(La guerre au Transvaal)
Par ANDRÉ LAURIE


XV. — Goliath.


Le lendemain matin, de très bonne heure, la caravane était en marche ; douze petits chevaux indigènes et une lourde voiture d’ambulance composaient le train.

Dès la veille au soir on avait dit un adieu définitif à tous les amis qu’on abandonnait en arrière et même il avait été entendu que, pour ne pas amollir les cœurs et détendre les volontés, on se priverait d’aller une dernière fois saluer le brave Goliath ; parqué devant la hutte de l’état-major et retenu par de fortes entraves, il attendait, digne et grave, géant enchaîné, comme Samson chez les Philistins, ce que le sort adverse pouvait lui réserver en fait d’épreuves nouvelles.

Mais venue l’heure décisive, au moment de se mettre en selle, il parut que Colette était incapable d’un tel stoïcisme. Inquiète et navrée de laisser prisonnier cet ami incomparable qui autant et plus qu’un être humain l’avait servie et aimée depuis tant d’années, on la vit éclater en pleurs, elle toujours si contenue et doucement courageuse, réclamer un sursis et supplier que Le Guen courût encore constater quelle mine faisait Goliath et comment il se comportait…

Avec une tendre commisération, M. Massey accéda au vœu de sa fille chérie ; Le Guen partit aussitôt et revint au bout de dix minutes émettant l’opinion que l’éléphant paraissait sombre et d’humeur peu communicative et que, selon lui, il serait très offensé si « Mlle Colette » ne venait pas lui dire encore une fois adieu. Le madré gabier ayant ajouté quelques paroles à voix basse, Colette s’élança d’un mouvement impétueux et, murmurant : « Je reviens !… je reviens !… », prit sa course vers la hutte de l’état-major.

À la barrière du petit enclos où était attaché Goliath, deux Boers se tenaient l’arme au pied ; ils ne firent aucune opposition à l’entrée de la jeune femme et se détournèrent même discrètement, tandis qu’elle s’approchait du captif. S’ils avaient fait plus stricte surveillance, les gardes n’eussent d’ailleurs rien pu observer de suspect. Tout se borna à quelques mots d’adieu émus murmurés dans l’oreille de Goliath, les animaux prisonniers n’ayant pas coutume de manigancer des plans d’évasion avec leurs visiteurs comme de simples détenus. Et, pourtant, si les honnêtes Boers eussent mieux connu la physionomie de Goliath, son attitude en cette occasion leur eût donné à penser. Lui qui, si on le contrecarrait en aucune façon, s’abandonnait d’habitude aux manifestations les plus extravagantes de son déplaisir, on le vit demeurer impassible et hautain, tandis que Colette quittait l’enclos, son mouchoir sur les yeux. Les deux geôliers, concluant qu’on avait grandement exagéré, soit