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POUR L’HONNEUR

POUR L’HONNEUR

Par P. PERRAULT

CHAPITRE III


Pierre était monté dans son appartement avec l’intention de se borner à vider ses malles et à remettre les aménagements de détail au lendemain. De fait, au bout de dix minutes, Greg aidant, le linge était serré dans les tiroirs, les habits suspendus à leur place.

Restaient les bibelots, les pipes, les livres, les armes ayant appartenu à l’officier de marine et qu’aussitôt sous-officier, son fils avait emportés pour en décorer sa chambre à la caserne.

« Qu’est-ce qu’on fait de ça ? s’informa Greg, pressé de voir tout en ordre.

— Rien ce soir, répondit Pierre. Porte les armes sur la table de la bibliothèque. Je referai mes panoplies demain. »

Lui reprenait possession des choses, allait d’un meuble à l’autre, jetant à chacun un sourire, la caresse d’un regard longtemps arrêté…

Cette chambre était celle de sa mère ; on n’y avait fait aucun changement. Il dormait dans le lit où elle était morte ; il nouait sa cravate devant le miroir où son doux visage de veuve s’ajustait, par la sévérité de la coiffure, au deuil toujours gardé !

À la tête du lit, au-dessous d’un Christ, une étagère en bois de rose supportait ses livres de prières : Pierre les y avait laissés. Il les ouvrait quelquefois…

Son cœur n’évoquait que la main amaigrie tournant les pages d’un geste lent, il est vrai. Mais son regard, retenu par quelque mot dont la profondeur l’étonnait, lisait un peu, tandis que ses doigts défroissaient le pli d’un feuillet… De ce contact béni, il emportait quelque pensée grave, quelque sage conseil, qui remontait parfois, aux heures troublées, du fond de son âme, et le gardait l’homme droit que sa mère avait voulu qu’il fût !

Il venait de s’arrêter auprès d’une petite marine, un coin de rade, à laquelle ils avaient travaillé, sa mère et lui, essayant de fixer, dans cette œuvre d’élève, pleine d’inexpé-