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puisque la mer renferme d’extraordinaires végétaux, des algues longues de huit cents à mille pieds, pourquoi ne recèlerait-elle pas des monstres de grande dimension, organisés pour vivre dans ces profondeurs qu’ils n’abandonneraient qu’à de rares intervalles ?…

Ce qui est certain, c’est que, en 1819, le sloop Concordia, se trouvant à quinze milles de Race-Point, rencontra une sorte de serpent émergeant de cinq à six pieds, à peau noirâtre, à tête de cheval ou plutôt de reptile, mais ne mesurant qu’une cinquantaine de pieds, moins que les cachalots et les baleines.

En 1848, à bord du Péking, l’équipage crut apercevoir une bête énorme de plus de cent pieds de longueur, qui se mouvait à la surface de la mer. Vérification faite, ce n’était qu’une algue démesurée couverte de parasites marins de toutes sortes.

En 1849, dans le goulet qui sépare l’île Osterssen du continent, le capitaine Schielderup déclara avoir rencontré un serpent ne mesurant pas moins de six cents pieds, endormi sur les eaux.

En 1857, les vigies du Castillan signalèrent la présence d’un monstre à grosse tête en forme de tonneau, dont la longueur pouvait être évaluée à deux cents pieds.

En 1862, le commandant Bouyer, de l’aviso Alecton

« Pardon de vous interrompre, monsieur Filhiol, dit maître Cabidoulin, je connais un matelot qui était à bord…

— À bord de l’Alecton ?… demanda M. Bourcart.

— Oui…

— Et, maître Cabidoulin, ce matelot a vu ce qu’a raconté le commandant…

— Comme je vous vois, et c’est bien un véritable monstre que l’équipage a hissé à bord…

— Bon, répondit le docteur Filhiol, ce n’était qu’un énorme céphalopode couleur bisque rouge, yeux à fleur de tête, bouche en bec de perroquet, corps fusiforme, renflé au milieu, nageoires arrondies en deux lobes charnus placés à l’extrémité postérieure, huit bras s’échevelant autour de sa tête… Cette masse de chair molle ne pesait pas moins de deux mille kilogrammes, bien que l’animal n’eût pas plus de cinq à six mètres de la tête à la queue… Ce n’était donc point un serpent de mer…

— Quand il existe des monstres de cette espèce, répondit le tonnelier, je me demande pourquoi le serpent de mer n’existerait pas ?… »

Voici, d’ailleurs, les découvertes qui allaient être faites plus tard au sujet des spécimens de tératologie que recèlent les profondeurs de la mer :

En 1864, à quelque cent milles au large de San-Francisco, le navire hollandais Cornélis entra en collision avec un poulpe dont un tentacule, chargé de ventouses, vint s’enrouler autour des sous-barbes de beaupré et le fit enfoncer jusqu’au ras de l’eau. Lorsque ce tentacule eut été tranché à coups de hache, deux autres s’accrochèrent, l’un aux capes de mouton des haubans de misaine, l’autre au cabestan ; puis, après amputation, il fallut encore couper huit autres tentacules qui faisaient donner au bâtiment une forte bande sur tribord.

Quelques années après, dans le golfe du Mexique, on signala un monstre à tête de grenouille, aux yeux saillants, pourvu de deux bras glauques et dont les larges mains vinrent se crocher au plat-bord d’une embarcation. Six balles de revolver firent à peine lâcher prise à cette « manta » avec bras reliés au corps au par une membrane semblable à celle des chauves-souris, et dont l’apparition jeta l’épouvante dans ces parages du golfe.

En 1873, c’est le cutter Lida, qui, dans le détroit de Sleat, entre l’île de Skye et la terre ferme, rencontra une masse vivante par le travers de son sillage. C’est le Nestor qui, entre Malacca et Penang, passa non loin d’un monstre océanique long de deux cent cinquante pieds, large de cinquante, à tête carrée, zébré de bandes noires et jaunes, ressemblant à une salamandre, et dont les officiers, les passagers purent entrevoir la formidable masse.

Enfin, en 1875, à vingt milles du cap San-