bitation où résidaient toute l’année M. et Mme Charles Saujon.
Dracy-le-Fort est un tout petit village, mais, en été, il est gaiement peuplé ; nombre de familles chalonnaises y ayant leur maison de campagne.
Le pays est joli, pas trop plat, assez boisé, avec de beaux vignobles sur la pente des coteaux et des prairies dans les fonds.
Au bas du village passe une rivière bordée de saules et de grands arbres. Par delà le pont, du côté opposé au château enfoui dans la verdure et cerclé d’eaux vives, que l’on entrevoit à droite, sur la déclivité de la colline, se dressent quelques villas entourées de vastes jardins : l’endroit se nomme la Foussotte.
C’est là qu’était située l’habitation des Saujon.
Elle se composait d’un pavillon carré à un seul étage. Les pressoirs et autres dépendances se dissimulaient au fond de l’enclos, derrière un massif de sapins.
Avec ses corbeilles où éclataient les teintes multicolores des géraniums, des phlox, des pyrèthres, et sa longue allée de rosiers en fleur reliant le parterre à la route, la maison présentait un aspect assez riant.
Greg la jugea un palais, lui qui avait vécu jusqu’ici dans une masure enfumée, mal close, où les animaux recevaient un abri l’hiver.
Il marchait à côté de Pierre, raide, un peu gêné dans ses habits neufs, pour lesquels il appréhendait le moindre grain de poussière.
Jaspine, extraite de la cage où elle s’exaspérait, le suivait en se dandinant ; de temps à autre, inquiète d’avoir laissé ses sœurs en chemin, elle lançait un appel suraigu en allongeant le cou et déployant à demi ses ailes.
« Tais-toi, Jaspine ! » commandait Greg aussitôt. Et le regard de l’orphelin sondait avec terreur la maison d’où il s’attendait, de seconde en seconde, à voir sortir la redoutable tante.
Car, depuis Beaune, peu rassuré lui-même sur l’accueil réservé à son protégé, Marcenay avait chapitré celui-ci de façon à le cuirasser contre les rebuffades probables.
Ils étaient parvenus aux deux tiers de l’allée, quand le jeune homme s’arrêta soudain, pour explorer le rond-point ombragé de platanes où M. Saujon avait coutume de se faire amener l’après-midi, en cette saison.
« Tournons par ici, Greg, dit-il, en s’engageant lui-même dans une allée transversale. Mon oncle doit être sous les arbres ; j’aperçois son fauteuil. »
En effet, le vieillard se trouvait sous le dôme feuillu qui lui servait de salon d’été, mais il y était seul et endormi.
Pierre eut à sa vue un geste de joyeux étonnement.
Sa boutonnière fleurie d’une branche de réséda, ses cheveux coquettement arrangés sous sa calotte de velours noir, le nœud savant de sa cravate et jusqu’aux plis de la couverture jetée sur ses genoux, tout dénonçait le goût et la sollicitude d’une garde-malade attentive.
Un siège placé à côté de celui du paralytique et une revue ouverte révélaient qu’on venait seulement de le quitter ; et non sans avoir tout prévu…
Sur la table étaient disposés, à portée de la main, la tabatière, le mouchoir, un verre de limonade coiffé d’un cornet de papier, un chasse-mouches.
« Si c’est ma tante qui est l’auteur de ces arrangements, plus rien à craindre, ami Greg : elle a fait peau neuve. »
Un doute se lisait dans le sourire sceptique de Marcenay, tandis qu’il prononçait ces mots ; Greg le devinait peu convaincu de la transformation prédite et son visage gardait une expression craintive.
« Il a l’air bon, lui ! fit-il après avoir considéré un instant le vieillard qui sommeillait paisible, ne soupçonnant point que l’arrivée de Pierre, cette joie entrevue au bout de tant de jours si souvent comptés ! était là, toute proche, à sa portée.
— S’il est bon, l’oncle Charlot ? murmura le jeune homme. Ah ! certes ! Et résigné ! »
Ils se tenaient debout devant lui, Greg tout