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Quelques jours après le départ du Havre, M. Bourcart organisa le service des vigies : deux hommes constamment en observation dans la mâture, l’un au mât de misaine, l’autre au grand mât. Aux harponneurs et aux matelots revenait cette tâche, tandis que les novices étaient à la barre.

En outre, afin d’être en état, chaque pirogue reçut une baille de bigue, ainsi que l’armement nécessaire à la pêche. Si donc une baleine venait à être signalée à proximité du navire, il n’y aurait qu’à amener les embarcations, — ce qui s’effectuerait en quelques instants. Toutefois, ces éventualités ne s’offriraient pas avant que le Saint-Enoch fût en plein Atlantique.

Dès qu’il eut relevé les extrêmes terres de la Manche, le capitaine Bourcart donna la route à l’ouest, de manière à doubler Ouessant par le large. Au moment où la terre de France allait disparaître, il l’indiqua au docteur Filhiol.

« Au revoir ! » dirent-ils.

En adressant à leur pays ce salut de la dernière heure, tous deux se demandèrent sans doute combien de mois, d’années peut-être, se passeraient avant qu’ils dussent le revoir…

Le vent étant franchement établi au nord-est, le Saint-Enoch n’eut plus qu’à mollir ses écoutes pour se mettre en direction du cap Ortegal, à la pointe nord-ouest de l’Espagne. Il ne serait pas nécessaire de s’engager dans le golfe de Gascogne, où la situation d’un voilier court grands risques, quand la brise souffle du large et le drosse vers la côte. Que de fois les navires, incapables de gagner au vent, sont obligés de chercher refuge dans les ports français ou espagnols !

Lorsque le capitaine et les officiers étaient réunis à l’heure des repas, ils causaient, comme de juste, des aléas de cette nouvelle campagne. Elle débutait dans des conditions favorables. Le navire se trouverait en pleine saison sur les parages de pêche, et M. Bourcart montrait une telle confiance qu’elle gagnait les plus réservés.

« Si ce n’est, déclara-t-il un jour, que notre départ a été reculé d’une quinzaine et que nous devrions être maintenant à la hauteur de l’Ascension ou de Sainte-Hélène, il serait injuste de se plaindre…

— À la condition, répliqua le lieutenant Coquebert, que le vent tienne du bon côté pendant un mois, nous aurons facilement réparé le temps perdu…

— Tout de même, ajouta M. Heurtaux, il