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DE GRANVELLE

une très forte créance, dont rien ne lui laissait prévoir le remboursement jusqu’à hier matin.

— Eh ! eh ! fit bonne maman, hochant la tête avec une satisfaction évidente ; voyez-vous cette petite qui va se trouver riche en entrant en ménage ! Oui, il pourra maintenant tenter l’examen, ce brave Marc. Je crois que cela sourira davantage à Gaby qu’il soit officier. Mais, que fait-elle donc ? Elle est plus leste que cela à exécuter les petits travaux de ce genre, d’ordinaire. Elle doit bien vous savoir là, cependant. »

Et, élevant la voix :

« Tu n’as pas fini, mignonne ? nous avons une visite. »

De très loin, des profondeurs du cabinet de toilette, cette réponse lui parvint :

« Je sais… Je viens tout de suite.

— Apporte mon chapeau, que je voie comment tu l’as orné. »

Une minute s’écoula encore. Enfin la jeune fille parut. Après avoir, remis le chapeau à bonne maman, elle vint tendre la main à Pierre, et, avec un sourire résigné :

« Vous avez fait un bon voyage ? demanda-t-elle ; vous êtes content du résultat ?

— Tout à fait », répondit-il, incliné devant elle, en effleurant de ses doigts frémissants la main tendue vers lui.

Gabrielle n’eut pas le loisir de le questionner à nouveau : sa grand’mère l’appelait.

« Gaby ! ma chère ! s’exclamait la bonne dame, consternée ; tu as donc laissé tomber ces plumes dans l’eau ? Elles sont complêtement défrisées ; ce chapeau n’est plus mettable. Me voilà bien !… »

Pauvre Gaby !… en les posant, elle avait pleuré dessus… Elle n’était pas coupable d’autre chose…


ÉPILOGUE


« Comme te voilà beau ! Tu n’es pas fatigué, Greg ? On ne peut plus te nommer petit Greg ; tu m’arrives au front, moi qui suis très grande.

« Alors, tu reviens d’assister au mariage du comte de Trop ? Qui nous l’eût dit, il y a quelques années, que tu assisterais à son mariage et que tu rapporterais de la noce une figure épanouie ? »

Catherine Dortan le regardait dans les yeux en disant cela.

Et Greg riait, l’air parfaitement heureux.

Il allait sur seize ans et portait avec élégance l’uniforme du collège Bretennière, où Pierre le faisait élever.

On le nommait Grégorio là-bas, comme au IVe siècle les jeunes étudiants d’Athènes appelaient son saint et illustre parrain : Grégoire de Naziance ; ou bien encore : docteur Chaverny.

Car il n’était pas un bobo qui ne passât par ses mains avant d’aboutir à l’infirmerie, rendue inutile bien souvent, grâce à l’intuition qu’avait Greg des premiers soins à donner.

C’est en retournant à Dijon qu’il s’était arrêté à Beaune entre deux trains, afin d’embrasser sa vieille amie Catherinette et de lui conter ses impressions.

Premier garçon d’honneur avec Jeanne Lavaur, voilà quel avait été son rang à la cérémonie.

Venaient ensuite Omer Nochard, de Mortagne, Dolmer, Courtois : tous, au bras, les amies de la radieuse épousée.

Lorsqu’ils se disaient au revoir, là-bas, à Dôle, les sous-officiers de dragons, ils n’avaient pas prévu que ce serait le mariage du comte de Trop qui les réunirait…

Un seul d’entre eux avait pu assister à celui de Pierre, deux ans auparavant, expliquait Greg à Catherinette, tout en revenant lentement vers l’hôpital, où elle lui avait préparé, dans sa chambre, un bon petit goûter, le croyant encore un bébé sensible aux friandises.

« Reprends donc de plus loin, depuis le commencement, veux-tu ? Il y a des détails que je n’ai jamais connus, d’autres que j’ai oubliés…

— Nous nous sommes si peu vus l’année dernière ! Toutes les vacances, vous les avez passées aux Égrats ?

— Oui. J’avais profité du moment de répit