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POUR L’HONNEUR

soit privée… et… je n’ai qu’un chapeau, moi, cher monsieur. De mon temps, les femmes en usaient ainsi ; les choses n’en allaient pas plus mal : je crois même qu’elles allaient mieux ! Dans certains ménages, la toilette de madame devient une calamité.

« Mais Gabrielle aura vite fait de réparer la sottise du chat : elle est si adroite.

« Que me disiez-vous de mon neveu ? Revient-il bientôt ?

— J’espère qu’il le pourra », repartit Pierre, négligeant de baisser la voix ainsi qu’on l’en priait.

Et, faisant à bonne-maman un signe d’intelligence :

« Je vais vous lire sa lettre : elle attendrirait un rocher ! »

Le jeune homme avait compris que sa volonté le trahirait et que ses lèvres se refuseraient à prononcer les paroles menteuses qu’il eût été condamné à dire.

Au reste, quel plaidoyer eût valu cette lettre où Marc, ne parlant pas pour être entendu de Gabrielle, exprimait cependant les sentiments les plus propres à toucher la jeune fille.

Et Pierre lut à haute voix, s’interrompant de temps à autre, pour permettre à bonne-maman d’approuver, de s’exclamer à son aise.

Lorsqu’il eut achevé, il ajouta d’une voix blanche, où l’observateur, doué du sens le plus rudimentaire, eût deviné l’effort surhumain que coûtait cette phrase à celui qui la prononçait :

« Cher comte de Trop ! moi qui ai failli le tuer jadis, je voudrais que mon intervention d’aujourd’hui achevât de compenser tout ce que cet accident a eu pour lui de conséquences fâcheuses ; tant de dures années où sa mémoire affaiblie ne s’assimilait les choses qu’au prix d’un excès de travail : vous vous rappelez, madame, la peine qu’il a eue pour mener à bien ses études ; cela par ma faute… Aussi, je souhaite de tout mon cœur que ce mariage ait lieu, puisque Marc ne voit son bonheur que là.

— Oui, oui, sûrement, il est désirable que ma petite-fille consente à épouser son cousin ; Marie me l’a fait comprendre ; nous sommes tous d’accord à ce sujet maintenant, et je suis enchantée de voir que vous pensez comme nous. Mais mon neveu dit être aujourd’hui largement doté, observa bonne-maman ; qu’entend-il par là ?

— Il vous l’expliquera lui-même, madame. Sa situation a, en effet, subi une modification heureuse. M. Aubertin vient de rentrer dans