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ANDRÉ LAURIE

sey, nous avons tout lieu de l’espérer, a complètement recouvré la vue et la conservera intacte jusqu’au terme naturel de son existence… »

Quelques jours s’écoulent, pleins encore d’inquiétude et d’angoisse pour ceux qui entourent la chère malade. Mais chaque heure écoulée raffermit l’espoir dans leurs cœurs ; bientôt la certitude de la guérison y pénètre et ils connaissent cette douce joie de voir renaître à la vie un être bien-aimé. Comment dire le bonheur de la pauvre mère lorsqu’on écarte un instant le bandeau et qu’elle aperçoit aujourd’hui le doux visage de sa Colette, celui de Lina, le regard rieur de Gérard, la belle figure de Henri ou de M. Massey… demain le front pur de Tottie, sa petite frimousse revêtue d’un sérieux inaccoutumé tandis qu’elle lève ses grands yeux bleus sur « bonne maman »… Tout lui est une joie : la bonne figure de Martine, le rude visage tanné de Le Guen, un coin de ciel bleu, une étoile entrevue au crépuscule, une rose penchant vers elle sa tête délicate et embaumée. La convalescence est toujours une douce période ; mais, quand on est entouré d’êtres chers et qu’on a échappé à l’infirmité la plus cruelle qui puisse frapper les humains, elle est doublement précieuse.

Gérard, Colette, Lina sont les plus infatigables à distraire et amuser l’opérée. Les heures doivent lui paraître si longues ! On connaît les talents de Gérard dans cet ordre, et, comme sous la tente des blessés du Transvaal, on entend résonner les rires, les fusées de gaieté juvénile, rien qu’en approchant de la chambre de Mme Massey.

« Riez, mes enfants, riez ! dit le bon docteur Kœrig, c’est la meilleure médecine à donner à votre mère. »

Et Mme Massey, tournant vers ses enfants ses beaux yeux encore affaiblis :

« Si vous saviez ce qu’ils sont pour moi, docteur !… Oui, j’en viens à penser que c’est la peine d’avoir souffert cette cruelle épreuve, pour avoir appris à les connaître et les apprécier !…

— Ah maman !… ne dites pas cela !… et puissions-nous ne plus jamais avoir l’occasion de vous prouver ainsi notre amour !… » s’écrie Colette en frissonnant.

mm(La suite prochainement.)
André Laurie.mm