L’intention de l’oiseau devint de plus en plus manifeste : il sautillait gentiment autour de l’enfant.
Celui-ci était quelque peu troublé.
« Il ne te veut pas de mal, n’aie pas peur ! cria Clinias.
— Peur, moi ? » protesta le jeune garçon choqué.
D’une voix qu’il s’efforçait de raffermir :
« Viens, petit, viens ! » appela-t-il. Bravement il tendit la main. Aussitôt, ô merveille, l’oiseau vint s’y poser.
« Il veut être mis en cage auprès de son amie ! dit Clinias.
— Oh ! c’est beau, cela ! » murmura Marcia, les yeux humides.
Les deux époux se regardaient, frappés de cette étrange similitude des situations.
« Comme ils vont être heureux ! » répétait Junius en caressant l’oiseau qui ne bougeait pas de son poing.
Clinias était allé chercher la cage.
« Ouvre la porte, sœurette, mais prends bien garde à Aurea ! Qu’elle ne s’échappe pas ! » recommanda Junius s’approchant avec le captif volontaire.
Marcia avait la main posée sur la porte de la cage.
Elle s’arrêta, songeuse.
« Ils seront ensemble, murmura-t-elle, mais prisonniers ! Junius, n’y aurait-il pas mieux à faire ?
— Mieux à faire !
— Oui. »
Surpris, Junius la regardait. Puis ses yeux s’éclairèrent. Il prononça doucement :
« Je t’ai comprise, Marcia ; oui, ton cœur a raison ! »
Marcia laissa la porte de la cage grande ouverte et s’éloigna.
La prisonnière sauta sur le sol, regarda son ami, puis déploya ses ailes.
Ils partirent l’un et l’autre comme deux, flèches lancées du même arc.
Alors Marcia s’approcha de la fenêtre :
« Vous nous approuvez, mère, n’est-ce pas ? »
Pour toute réponse, la noble femme serra ses deux enfants sur son cœur.
Et, quand ils eurent repris leurs jeux, s’adressant à son époux :
« Mon ami, quelquefois ce sont les enfants qui donnent des exemples… Qu’en pensez-vous ?
— Je vous répondrai, Octavie, ce que tout à l’heure notre Junius a répondu à sa sœur : — Votre cœur a raison ! »
Et il déchira l’acte par lequel Matoas lui aliénait sa liberté.
Un bruit de pas et de voix se faisait en tendre. Un esclave vint annoncer la visite du prêteur Lucius Népos.
Norbanus trouva ce magistrat dans l’atrium.
Lucius Népos, gros seigneur au triple menton, était un ami intime du chevalier à qui, pour une bonne part, il devait sa place. D’ordinaire insouciant et rieur, il avait en ce moment l’air sérieux et inquiet.
« Tout va bien chez toi ? demanda-t-il. Il ne t’est rien arrivé de fâcheux ?
— Rien.
— Alors, le procurateur du quartier était mal renseigné. Comme je passais dans la rue voisine, je l’ai rencontré qui courait chez toi. Ne m’a-t-il pas conté qu’un malfaiteur avait violé ton domicile ? Je suis venu avec mes licteurs pour faire moi-même l’information.
— Sois le bienvenu, cher Lucius, mais je n’ai vu aucun malfaiteur ; je n’ai reçu que la visite d’un brave jeune homme que voici : Matoas. Tu arrives à propos, d’ailleurs ; j’ai justement besoin d’un acte de ton ministère. »
Aldwyna venait de paraître dans l’atrium.
« Tout à ta disposition, dit le préteur : mon greffier et mes licteurs sont là.
— Je demande acte, dit gravement Norbanus, de la déclaration que je fais au sujet de cette jeune fille. »
Et, la main posée sur la tête d’Aldwyna, il prononça la formule de l’affranchissement :
« Je veux que cette jeune fille soit libre et jouisse des droits de la Cité romaine. »