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ALBERT FERMÉ

Midi flamboie sur Rome endormie.

Allongé sur un lit de repos, Norbanus est bercé de doux rêves. N’a-t-il pas appris, ce matin, que l’empereur Marc-Aurèle a décidé qu’il serait érigé au Capitole un temple à la Bonté ?

Elle est donc finie, cette nuit d’angoisse et de terreur qui, depuis deux siècles, pèse sur le monde comme le marbre d’un tombeau ! Ils ne reparaîtront plus, ces monstres, effroi de l’histoire, les Néron, les Tibère, les Caligula, les Domitien !

Le bon chevalier voit refleurir l’âge d’or ; plus de guerres, plus de proscriptions, plus de haines ; le genre humain n’est plus qu’une grande famille ; une aube radieuse de paix, d’amour et de joie éclaire l’univers régénéré.

Un bruit soudain, violent, réveille Norbanus : des cris, des malédictions, des menaces.

Il s’élance dans l’impluvium : ses esclaves courent sur les terrasses : ils poursuivent un malfaiteur qui a été surpris se glissant dans l’appartement des femmes.

Des clameurs sortent de ce côté ; Norbanus y court.

Il trouve tout en émoi ; les servantes sont affolées.

Bonne et charitable, Octavie s’applique à faire reprendre ses sens à l’une d’elles qui s’est évanouie de saisissement : c’est la nouvelle esclave, — Aldwyna.

Un soupçon vient alors à Norbanus.

Il retourne dans l’impluvium.

« Le voilà ! Il est pris ! » crient les esclaves descendant des terrasses.

On amène le malfaiteur.

Norbanus ne s’est pas trompé.

Sombre, les yeux fichés en terre, le Marcoman ne profère pas une parole.

« Scélérat ! voleur ! crie Norbanus.

— Je ne suis pas un voleur ! dit Matoas redressant le front.

— En vérité ? Tu t’es introduit chez moi par escalade pour enlever une esclave m’appartenant, — et tu n’es pas un voleur ? Voilà de l’impudence ! — La loi me permet de te faire tuer sur place ; sais-tu cela ?

— Je le sais.

— Je n’aurais qu’un geste à faire.

— Faites ! »

Les hommes qui avaient capturé Matoas attendaient immobiles, l’œil cruel, la main sur leur poignard.

« Non, dit Norbanus, les magistrats prononceront la peine ! »

Il fit quelques tours dans la chambre.

Puis, brièvement, il ordonna aux esclaves de sortir.

Il resta seul avec Matoas garrotté.

Il y eut quelques instants de silence.

« Pas un mot de regret ! Pas un signe de repentir ! observa amèrement Norbanus.

— Seigneur, je vous respecte, j’étais affolé… balbutia le prisonnier.

— Triple sot ! Toi qui aimais par-dessus tout la liberté ! Tu seras condamné aux mines ! Tu travailleras dans un souterrain, les fers aux pieds, sous les étrivières des gardiens.

— Ce supplice, je ne l’endurerai pas longtemps ! » murmura Matoas.

Norbanus le regarda encore en silence. Puis, brusquement :

« Si je te laissais libre, jures-tu de t’éloigner de Rome, de n’y plus jamais revenir ?

— Je vous le jure. »

Le chevalier avait pris sur la table un petit stylet à lame dorée ; il s’approcha du prisonnier et coupa ses liens d’un seul coup.

« Sauve-toi !

— Seigneur, vous avez l’âme grande et généreuse, dit Matoas en baisant la main de Norbanus.

— Vite ! Détale avant l’arrivée des gens de police ! »

Le Marcoman avait disparu depuis quelques instants : une porte intérieure s’ouvrit, donnant passage à une jeune femme vêtue d’un riche peplum violet et dont le beau et fier visage était bouleversé par l’émotion.

« Mon cher époux, l’homme qui a été pris, où est-il ? Qu’en a-t-on fait ?

— Est-il connu de vous, Octavie ? demanda Norbanus étonné.

— Il est le compatriote, le parent, le fiancé d’Aldwyna. La chère enfant est désespérée.