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ANDRÉ LAURIE

Le jeune affranchi avait le visage meurtri, tuméfié.

« Dieux bons ! qui t’a ainsi accommodé ?

— À Messana… l’autre jour… balbutia Matoas, l’esclavier… une malheureuse querelle…

— Comment ? s’écria Norbanus éclatant de rire, c’est toi qui as livré cette bataille épique au gros Corax et à ses aides ! C’est toi, gredin, qui as voulu enlever, de vive force, l’esclave que j’avais achetée ! Eh bien, j’ai intercédé pour cet audacieux sans me douter que c’était toi ! Corax était émerveillé ; il comparait tes poings à des catapultes. Par Hercule, on te surnomme le prince des cochers, tu pourrais être le roi des athlètes.

— Seigneur, dit Matoas, je suis venu d’abord pour vous remercier d’avoir fait lever mon écrou et, en second lieu, pour vous apporter mes humbles excuses : j’ignorais qu’Aldwyna eût été achetée par vous.

— Tu es tout excusé, n’en parlons plus, adieu ! »

Le chevalier allait monter dans sa litière.

Mais Matoas ne le quittait pas.

« J’ai une grâce à vous demander.

— Dis vite.

— Je vous supplie de me permettre de racheter Aldwyna.

— La racheter ? Impossible, mon garçon. Ma femme y tient ; c’est un trésor que cette enfant. N’aie pas d’inquiétude, elle sera heureuse avec nous.

— Vous l’avez achetée deux mille sesterces, je vous en donne quatre mille.

— Insolent ! Me prends-tu pour un maquignon d’esclaves ? s’écria Norbanus irrité. Retire-toi. »

Matoas se cramponna à la litière.

« Aldwyna était ma fiancée !

— Tu en trouveras une autre.

— Par pitié !

— Impossible, te dis-je. Allons, Matoas, sois un homme, ajouta le chevalier se radoucissant. Tu me parlais d’Épictète, l’autre jour. Rappelle-toi le conseil que donne ce sage : « Ne demandez point que les choses arrivent comme vous désirez, mais désirez qu’elles arrivent comme elles arrivent. » Médite cette belle maxime, résigne-toi. »

Matoas s’inclina, mais dans ses yeux brillait un éclair.

« J’essayerai, seigneur. »

mm(La fin prochainement)
Albert Fermé.mm

LES CHERCHEURS D’OR DE L’AFRIQUE AUSTRALE

COLETTE EN RHODESIA
(La guerre au Transvaal)
Par ANDRÉ LAURIE

XXI (Suite.)

À Passy.


Tout d’abord, la vie abondante, généreuse, la joie de voir croître et prospérer tous les siens sans le moindre souci financier ; un bonheur tel que jamais il n’a cru le payer trop cher. Puis, la satisfaction de sortir d’un milieu étriqué, de sentir ses idées, ses facultés s’enrichir, se développer avec la connaissance des continents nouveaux, le frottement des intérêts universels. Enfin et surtout, l’inestimable avantage d’avoir pu former un pécule, faire une provision pour les mauvais jours, chose impossible au fonctionnaire du type courant, par tout autre moyen que l’économie féroce, pauvre expédient qui revient à mourir en détail pendant toute une vie, au lieu de mourir tout d’un coup à la fin.

Aussi, avec quelle ardeur, quel entrain il entre dans les projets de son hôte, s’offrant à l’aider de son expérience, de ses lumières, de ses recommandations ! À peine quinze jours se