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POUR L’HONNEUR

moyen ce que tu viens de me raconter, il t’était malaisé de bien agir : je suis en peine.

— J’ai eu tort, oui… À force d’y songer, je m’en suis rendu compte. Mais ça me regardait de si près ! Enfin, que voulez-vous, Catherinette ? j’ai écouté.

— As-tu au moins conscience qu’un secret tel que celui-là, surpris de cette sorte, c’est sacré ? À part ceux qu’il concerne, tu n’en dois parler à personne. »

Il eut un rire silencieux.

« J’en ai quelque idée, se borna-t-il à répondre.

— Alors, qu’as-tu fait ?

— Rien.

— Comment ! rien ? Tu n’as pas appris à M. Marcenay qui tu es ? Sans lui révéler quelle raison tu avais de parler, ne pouvais-tu, par exemple, lui raconter la vie de ton grand-père : ça aurait simplifié les choses.

— Raconter à M. Pierre la vie de grand-père ? Voilà justement ce que je ne voulais pas. Je vous expliquerai tout à l’heure pourquoi, annonça Greg, devenu soudain très grave. Je n’ai rien dit », répéta-t-il.

Et, après avoir réfléchi une seconde :

« Pourtant, faut que je vous l’avoue ; sur le moment, il ne s’en est guère manqué que je parle. J’étais levé, prêt à pousser la porte : on se serait expliqué tout de suite… Ce qui m’a retenu, c’est… je ne peux pas bien vous dire… Il me semblait qu’eux, si bons pour moi, seraient ennuyés après de me voir ; que je serais…

— Un reproche vivant !

— Oui, c’est ça ; vous avez trouvé, Catherinette. Quand même, je n’avais rien décidé. Je me disais : Prends le temps d’y songer ; cherche le moyen de laver de ça la mémoire de ton grand-père et de rentrer dans ton argent, — quatorze mille francs qu’il a donnés ! — sans faire de peine à M. Pierre et au pauvre oncle Charlot. Je me promettais aussi de vous consulter. Mais pour ça, il aurait fallu vous voir. La tête me faisait mal, si mal, que je ne pouvais pas penser. Une raison de plus pour attendre. Le soir, je prenais cette fièvre qui m’a tenu huit jours sans avoir mes idées. Je ne savais ni ce que je faisais, ni où j’étais : rien du tout ! Quand je me suis reconnu, qu’est-ce que je vois à côté de mon lit ? Un autre lit où couchait M. Pierre : il m’avait gardé jour et nuit tout le temps ! S’il avait été mon père, est-ce que vous pensez qu’il aurait fait plus ? Et c’est à cause de moi qu’il avait retardé son voyage. Après ça, Noël