Page:Magasin d'Éducation et de Récréation, Tome XIV, 1901.djvu/30

Cette page a été validée par deux contributeurs.
29
COLETTE EN RHODÉSlA

aux souffrants le rire et la distraction ». Si bien qu’en dehors de ses multiples devoirs, Gérard était chargé de la tâche additionnelle d’aller rire à heure fixe et de faire de la gaieté sur commande ; programme qui eût glacé l’inspiration de plus d’un. Le brave jeune homme l’avait accepté simplement et s’en tirait à sa gloire. Et c’était une chose touchante de voir tous ces yeux fiévreux, ces visages ravagés, creusés, ces jeunes soldats vieillis par la souffrance s’animer et s’éclairer soudain quand paraissait l’aimable figure de leur amuseur patenté ; rire d’avance, comme des enfants, des contes que Gérard improvisait pour eux et se trouver réellement soulagés par le tonique vivifiant de sa fraternelle sympathie.

Mais Gérard lui-même était peu de chose comparé au chirurgien en chef ; le docteur Lhomond était un de ces hommes rares qui ont non seulement la science, mais le pouvoir de guérir. Il réunissait en lui tous les dons si rarement groupés : le savoir universel, le diagnostic infaillible, résultat de l’instinct et des patientes observations, l’œil pénétrant qui, pareil aux rayons X, traverse le mur opaque des muscles et s’en va fouiller jusqu’au fond de l’organisme ; la divination prompte qui fait sortir la vérité des explications confuses du malade ; la main forte et légère qui le manie sans le heurter, qui le masse sans