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— C’est mon avis, répondit M. Bourcart, et profitons de ce que les passes des Kouriles sont encore ouvertes…

— Votre intention, capitaine, demanda le docteur Filhiol, est-elle de retourner à Vancouver ?…

— Probablement, répondit M. Bourcart. Mais, avant cette longue traversée, le Saint-Enoch ira relâcher au Kamtchatka. »

Cette relâche était tout indiquée en vue de renouveler les provisions de viande fraîche. Au besoin même, il eût été possible d’hiverner à Pétropavlosk.

Le Saint-Enoch appareilla donc et, le cap au sud-est, descendit le long de la côte kamtchadale. Après avoir doublé la pointe de Lopatka, il remonta vers le nord et, le 4 octobre, dans l’après-midi, se trouva en vue de Pétropavlosk.

mm(La suite prochainement.)
Jules Verne.mm

LA VENGEANCE DU MEUNIER (Suite.)


Pendant une demi-heure, le Jean-Bart manœuvra, au grand effroi des cygnes…

Ah ! l’oncle Pierre pouvait se vanter d’avoir fait un heureux.

Les domestiques eux-mêmes, arrivés un à un, et rangés à distance, admiraient le joli cuirassé dont le pavillon tricolore claquetait au vent. Ils n’étouffaient pas si bien leurs exclamations qu’elles n’arrivassent aux oreilles du propriétaire du Jean-Bart.

Ce jour-là, et d’autres après, René Linteau vécut dans un rêve de félicité… il passait de longues heures au bord de la pièce d’eau. Le premier effroi calmé, les cygnes avaient repris leurs ébats, indifférents aux tac tac tac tac dont retentissait leur domaine.

Philippe était rongé par la jalousie, d’autant plus que son cousin lui avait refusé carrément de lui prêter le Jean-Bart.

« Regarde-le autant que tu voudras ; quant à y toucher… point, tu me le démolirais. »

René avait peut-être raison de redouter la maladresse de son écervelé camarade, mais la joie lui donnait une jactance un peu fière à laquelle son habituelle douceur n’avait pas préparé Philippe.

Le capitaine de frégate ne passa qu’une semaine à Linteau ; le jour du départ, René pleura beaucoup, puis il alla chercher consolation en la compagnie de son cuirassé.

Quant à Philippe, il commença un après-midi de mauvaise humeur boudeuse.

Son cousin d’ailleurs n’avait cure du jaloux, tout occupé qu’il était à expliquer à quelques jeunes paysans ébahis le fonctionnement du Jean-Bart.

Le goût de René ne changea pas, comme il arrive trop souvent après un vif enthousiasme. Ce n’était pas un enfant capricieux que rebutait la possession… non ; son cœur de futur marin s’était fortement attaché à ce beau joujou qui évoquait pour lui les sérieuses navigations rêvées dès le bas âge.

Tout à son bateau, il négligea le Vieux Moulin.

Le Jean-Bart lui faisait oublier le mounet Aubron.

Aidé par le jardinier, il construisit près de l’étang une cahute de planches qu’il baptisa : « l’Arsenal ». Là, il remisait son bateau, le nettoyait, fourbissait les cuivres… Pilote, chauffeur, matelot, mécanicien, capitaine, selon les circonstances.

Un matin, Mme Linteau partit pour le bourg voisin, où elle avait coutume de se rendre deux fois le mois chez une vieille parente infirme.

Elle ne revenait que dans la soirée. René devait prendre ce jour-là au presbytère sa leçon de grec que lui donnait le jeudi et le samedi le curé de la paroisse.

Philippe avait demandé à accompagner sa grand’mère ; la voiture les emmena dès sept heures.

Il faisait un temps exécrable… la pluie tombait dru… Resté seul, René monta à la