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ANDRÉ LAURIE

cygnes fut choisie. Une lampe à pétrole activait le Jean-Bart, tandis qu’un gouvernail lui donnait sa direction en agissant sur l’hélice.

Posé sur l’eau, le cuirassé se balança au bout de son amarre… la mèche fut allumée, le gouvernail obliqué de façon à ce que le parcours se fit circulairement.

L’hélice fouetta l’eau, la rejeta en mousse, avec un joli bruit de tac tac tac tac, la corde fut dénouée ; libre, le bateau glissa gracieusement, laissant derrière lui un sillage d’écume.

Paul Roland.

(La fin prochainement.)


LES CHERCHEURS D’OR DE L’AFRIQUE AUSTRALE

COLETTE EN RHODESIA
(La guerre au Transvaal)
Par ANDRÉ LAURIE

XVII

Fumée.


Les positions de l’ennemi, reconnues à la lorgnette du haut de la tour, indiquaient chez son chef un véritable instinct stratégique ; ses trois divisions occupaient, en effet, au nord, à l’est et au sud, les seules voies d’accès de la forteresse phénicienne. L’une se trouvait sur la piste de Boulouwayo, l’autre sur le chemin septentrional ; celle du centre sur la colline des Pétunias, vers Masseydorp. Sans cordon d’investissement régulier, sans travaux de siège, Benoni bloquait donc en réalité ses adversaires. Toute tentative de départ, sur l’une des trois routes devait inévitablement avoir pour effet d’appeler et de concentrer sur ce point toutes les forces assiégeantes. Repoussées une première fois, elle se reformeraient fatalement pour harceler le convoi, le harasser d’attaques incessantes. Avec des femmes et une enfant à emmener, on ne pouvait pas songer un seul instant à réaliser une telle entreprise.

D’autre part, attendre, rester investis derrière les épaisses murailles de la forteresse, c’était la certitude d’épuiser rapidement les provisions de bouche, d’en arriver bientôt à la famine et cela sans espoir de secours, sans possibilité aucune d’une issue favorable à cette situation tragique.

C’est ce que M. Massey et Gérard et tous les autres avec eux voyaient bien clairement.

C’est là ce que Benoni comprenait aussi, car deux jours ne s’étaient pas écoulés dans cette observation réciproque quand un mouvement se produisit du côté des assiégeants.

Une petite troupe, portant un chiffon blanc au bout d’une perche, s’était détachée de la colline des Pétunias et montait vers la tour. S’agissait-il de parlementer ?

M. Massey voulut vérifier le fait. Après avoir donné l’ordre de tenir toutes les armes prêtes et de ne point se fier aux manœuvres de ces gens sans aveu, il descendit sur la terrasse inférieure, attacha son mouchoir au bout d’une canne, et, l’agitant dans les airs, marqua par ce signe qu’il consentait à entrer en pourparlers.

On vit alors la troupe noire s’avancer jusqu’au pied de la tour, disparaître derrière le talus, puis remonter et enfin arriver sur la terrasse même, après s’être augmentée d’une unité.

C’était le précieux Benoni en personne qui, ayant trouvé inutile d’exposer sa peau sans caution, avait jugé prudent d’envoyer en avant-garde quelques bons lurons qui n’y regardaient pas de si près, mais qui, une fois en possession de la parole des Massey, n’avait plus aucune hésitation à se risquer, et sachant de longue date que la loyauté de ses ennemis le garantissait de tout danger, s’avan-