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qui devait le hanter, « une tâche sacrée à remplir », à laquelle bien des fois déjà il avait fait allusion. Qu’était-ce ?… Rien ne le laissait pressentir, et l’oncle Charlot, aussi bien que Pierre, avaient inutilement essayé d’interpréter les quelques mots épars dans la correspondance d’Odule à ce propos.

Pierre avait souvent écrit à son oncle en ces dernières années, surtout depuis la mort de sa mère.

Odule Saujon provoquait par de promptes réponses et des questions sans fin sur le genre de vie, les goûts, les idées de son neveu, les confidences de celui-ci.

À la moindre ouverture de cœur, lui permettant de mieux pénétrer la nature du jeune homme, il manifestait une si étrange reconnaissance que Pierre s’était accoutumé à causer avec l’absent comme avec un père.

Marcenay passa une partie de la nuit à relire toute cette correspondance et à réfléchir aux démarches à faire, aux mesures à prendre.

La dépêche expédiée par le consul de Vera-Cruz, où résidait Odule Saujon, avertissait la famille que le corps serait embaumé, puis ramené en France, le défunt ayant exprimé le désir de reposer à côté de ses parents.

On devrait l’aller attendre à Marseille. Un missionnaire qui rentrait, celui-là même qui avait assisté M. Saujon à ses derniers moments, s’était chargé d’accompagner le corps jusqu’à destination, ayant, d’autre part, la mission de remettre à Pierre Marcenay une lettre confidentielle écrite par Odule Saujon peu de jours avant sa mort.

Le consul disait, en outre, aviser du décès le notaire de Paris entre les mains de qui était déposé le testament.

Il fallait compter six semaines de traversée. Durant cette période, Pierre serait sans nul doute appelé à Paris. Ce voyage avait un bon côté à ses yeux : il le tiendrait éloigné de sa tante.

Entendre celle-ci supputer du matin au soir le chiffre de cette fortune, dont une partie allait échoir à son mari, était au-dessus des forces et de la patience qu’il possédait en ce moment : il finirait par se brouiller avec elle, s’il restait.

Lui se sentait si triste ! Il plaignait tant l’exilé qui, toujours retenu par les événements chaque fois qu’il projetait de revenir, était mort au moment d’embarquer !…