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l’animal souffla le sang et expira à la surface de la mer, tandis que le baleineau disparaissait sous les eaux.

Le courant étant favorable, la baleine fut aisément remorquée jusqu’au Saint-Enoch, où M. Bourcart fit disposer les apparaux pour la virer dans l’après-midi.

Le lendemain, un canot amena un Espagnol, qui demanda à parler au capitaine. C’était un de ces hommes qui font le métier de carcassier, et auxquels on abandonne le gras qui reste à l’intérieur de la carcasse.

Lorsqu’il eut examiné la baleine amarrée au flanc du navire, il dit :

« C’est vraiment l’une des plus grosses qui aient été pêchées dans la baie Marguerite depuis trois mois…

— Est-ce que la saison a été bonne ?… interrogea M. Bourcart.

— Assez médiocre, répondit l’Espagnol, et je n’ai eu qu’une demi-douzaine de carcasses à travailler… Aussi je vous prie de me céder celle-ci…

— Volontiers. »

Pendant les quarante-huit heures qui suivirent, l’Espagnol demeura à bord, et assista à toutes les opérations nécessitées par la fonte du gras. Cette baleine ne donna pas moins de cent vingt-cinq barils d’huile d’excellente qualité. Quant à sa carcasse, les gens dy pays la conduisirent à l’établissement de l’Espagnol, situé sur le littoral de la lagune, deux milles au delà de la crique.

Lorsqu’il fut parti, le docteur Filhiol dit au capitaine :

« Savez-vous, monsieur Bourcart, ce que cet homme retire des débris d’une baleine ?…

— Quelques jarres d’huile, tout au plus, docteur…

— Détrompez-vous, et je tiens de lui-même que le dépeçage procure parfois une quinzaine de barils…

— Une quinzaine !… s’écria M. Bourcart. Eh bien ! c’est la dernière fois que j’y aurai été pris, et, dorénavant, nous carcasserons nous-mêmes ! »

Le Saint-Enoch séjourna jusqu’au 17 juin dans la baie Marguerite afin de compléter son chargement.

Pendant ce temps, l’équipage put amarrer plusieurs baleines, entre autres quelques mâles très difficiles, sinon très dangereux à piquer, tant ils se montraient farouches.

L’un d’eux fut capturé par le lieutenant Coquebert à l’entrée de la baie. Il ne fallut pas moins d’un jour et d’une nuit pour l’amener