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ANDRÉ LAURIE

mette de respirer et d’admirer, pendant qu’il est temps encore !… »

Brusquement, elle fit quelques pas dans la direction de la pelouse où le rideau d’arbres, interrompu à dessein, laissait voir, à perte de vue, un moelleux horizon de collines et de ciel bleu.

Surprise et même effrayée de cette sortie, si peu conforme à l’attitude habituelle de sa mère, Colette s’était levée aussi et, déposant le bébé sur les genoux de lady Théodora, elle avait pris le bras de Mme Massey, qui fixait sur le paysage un regard éperdu, sombre et comme désespéré.

— Soyez réconfortée, ma chérie, disait-elle tendrement. Nous sommes ensemble. Tout est là !… Qu’importe le site ! qu’importe l’horizon, s’il nous est commun ! Nous ne serons pas séparées !…

— Ah ! ma Colette, murmura Mme Massey, d’une voix sourde… ce site, cet horizon… il me semble que je ne les vois plus distinctement… Il y a comme un nuage sur mes yeux…

— Ce sont les larmes, maman », protesta la jeune femme.

Mais elle venait de recevoir au cœur un coup droit et les larmes étaient dans ses yeux à elle, en pensant qu’elle ne se trompait pas et que sa mère devenait aveugle…

André Laurie.

(La suite prochainement.)