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ANDRÉ LAURIE

sa demeure, avait eu jadis pour destination spéciale de loger l’or extrait des entrailles de la terre par les métallurgistes anciens.

Quoi qu’il en soit, cette circonstance même permettait à M. Weber, pendant la saison des pluies, de se rendre en visite chez ses amis par un chemin couvert. Mais tel n’était pas le seul mérite de cet excentrique atelier. Le plus important, aux yeux de son détenteur actuel et de toute la famille Massey, c’est qu’on pouvait s’y livrer aux manipulations chimiques les plus redoutables sans mettre en péril la sécurité de l’habitation.

Or M. Weber avait de longue date entrepris, en collaboration avec Henri Massey, l’étude d’un problème industriel des plus importants, et ce problème, ils étaient arrivés ensemble à le résoudre.

Ce n’était rien moins que la fabrication sur place d’un explosif pouvant remplacer la dynamite dans les travaux des mines d’or.

Nul n’ignore le rôle capital que prennent les explosifs quand il s’agit de s’attaquer à des terrains rocheux. Le plus énergique de tous, la dynamite, — mélange de nitro-glycérine et de silice, — est devenu pour les mineurs de l’Afrique australe une denrée de première nécessité. Distribuée en cartouches qu’ils poussent en des trous préalablement percés au diamant, elle leur sert à faire éclater les couches dures qu’ils rencontrent sur le tracé des puits ou galeries, et le minerai qu’ils abattent et déblaient sans relâche. L’obligation où ils se trouvent de s’aider incessamment de ce puissant auxiliaire a fait de la dynamite la base naturelle du principal revenu public au Transvaal. Elle y est soumise à des droits très élevés d’entrée et de transport, à des formalités rigoureuses.

Henri Massey s’était dit qu’un explosif nouveau, manufacturé sur les lieux mêmes, serait accueilli avec enthousiasme par les compagnies minières, s’il pouvait, au moins pour un temps, échapper au fisc. Et cette pensée l’avait amené à tourner ses recherches vers les agents de cet ordre. On peut utiliser comme tels des groupes variés de composés chimiques, notamment les gaz formés avec absorption de chaleur et renfermant un excès d’énergie, comme l’acétylène, les mélanges gazeux détonants, comme l’hydrogène et l’oxyde de carbone associés à l’oxygène, au chlore ou aux oxydes d’azote ; et beaucoup d’autres produits minéraux ou organiques.

Après de nombreux tâtonnements, le jeune chimiste avait découvert le principe même de son explosif dans les scories de minerais d’or traités au cyanure de potassium, scories très abondantes dans tout le Witwatersrand et jusqu’alors restées inutilisées. Et, tout épris de son invention, il s’était mis activement avec Weber à fabriquer sa nouvelle poudre, qu’il se réservait d’appeler la cyanhidite, mais qu’il dénommait provisoirement la poudre K, pour dépister les profanes au sujet de sa composition.

C’était une matière grisâtre, d’aspect inoffensif et d’un prix de revient très modeste, insoluble dans l’eau, inaltérable par la chaleur solaire, et d’une puissance explosive et brisante véritablement formidable. Cinq grammes de ce produit, introduits en forme de cartouche sous un rocher de sept ou huit cents tonnes, suffisaient à le réduire en miettes…

Les collaborateurs en avaient manufacturé plusieurs sacs de cinquante kilogrammes, empilés dans un angle du laboratoire. On conçoit que de pareils travaux étaient mieux placés dans un souterrain, éloigné de toute habitation, qu’ils n’auraient pu l’être à Massey-Dorp ou à la tour phénicienne.

En les montrant à ses visiteurs, M. Weber prit soin de les avertir qu’il ne fallait pas approcher de ces sacs, très sensibles à certains chocs.

« C’est malheureusement le défaut de la poudre K dans sa forme actuelle, dit-il. Henri Massey arrivera certainement à la débarrasser d’une propriété aussi fâcheuse et qui lui est d’ailleurs commune avec beaucoup d’autres explosifs. Un autre défaut plus grave est de rester impropre aux travaux souterrains, en raison des vapeurs asphyxiantes qu’elle dégage au moment de l’explosion. Mais, ici encore, nous sommes sur la voie d’un