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PAUL ROLAND

plus se séparer de John Cort et de Max Huber. Llanga n’était-il pas adopté par eux, et le foreloper n’avait-il pas été leur dévoué guide pendant cet aventureux voyage ?…

Et le docteur Johausen ?… Et ce village aérien de Ngala, perdu sous les massifs de la grande forêt ?…

Eh bien, tôt ou tard, une expédition devra prendre avec ces étranges Wagddis un contact plus intime, dans l’intérêt de la science anthropologique moderne.

Quant au docteur allemand, il est fou, et, en admettant que la raison lui revienne, et qu’on le ramène à Malinba, qui sait s’il ne regrettera pas le temps où le Père Miroir régnait sous le nom de Msélo-Tala-Tala, et si, grâce à lui, cette peuplade de primitifs ne passera pas un jour sous le protectorat de l’empire d’Allemagne ?…

Cependant, il serait possible que l’Angleterre…


Jules Verne.


FIN.




À LA RIVIÈRE



La lessive trimestrielle de tante Claudie, j’en rêvais quinze jours à l’avance !…

La maison de ma tante est située au cœur du plus heureux pays du monde ; heureux d’étaler ses coteaux fertiles au soleil ! heureux de baigner ses prés verts dans une jolie rivière de cristal ! heureux surtout d’abriter sous ses toits fleuris de clématites des gens heureux comme lui !

Donc, tante Claudie faisait chaque trimestre sa lessive. Si elle m’eut écoutée, elle l’eut recommencée chaque semaine, tant ce genre d’occupation me plaisait.

Pour une fillette de six ans, c’était montrer de louables dispositions ; mais j’avouerai, dussé-je en diminuer mon prestige, que ce n’était pas la lessive qui me charmait, c’était… la rivière.

Ô cette rivière, qui coulait sur un fond de cailloux, entre des fougères plus hautes que moi, des quenouilles brunes aux longues feuilles satinées et des digitales pourprées que le vent agitait comme des clochettes !

Vous eussiez pris ma rivière pour une grande écharpe détachée du firmament.

Les hirondelles elles-mêmes s’y trompaient si bien qu’elles venaient parfois s’assurer d’un coup d’aile si ce beau ruban bleu n’était pas un coin de ciel. Puis, enivrées par le parfum des fleurs sauvages qui croissaient sur les bords, elles délaissaient l’espace pour ma jolie rivière ; poursuivaient les araignées qui glissent sur l’eau tels des patineurs sur la glace ; suivaient du regard les petits poissons qui mouchetaient d’argent la rivière bleue.

Je serais restée des heures à l’écouter chanter, à contempler sa course à travers les prés fleuris.

Tante Claudie, qui ne l’aimait pas du tout, prétendait m’empêcher de l’aimer. « La rivière engloutissait les petits enfants… fermait leurs yeux… raidissait leurs membres, etc. »