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COLETTE EN RHODESIA

LES CHERCHEURS D’OR DE L’AFRIQUE AUSTRALE

COLETTE EN RHODESIA

(La guerre au Transvaal)

PAR
ANDRÉ LAURIE

XI

L’assaut du kopje.


Une colonne sombre était sortie de Boulouwayo et se déroulait au bord de l’horizon, pareille à une file de fourmis. Sur son flanc droit, des cavaliers s’étaient détachés pour s’éparpiller en tout sens et fouiller les abords de la vallée suivie par la colonne. On les voyait trotter par pelotons de six, contourner les buissons et bouquets d’arbres, revenir successivement à la colonne, sans doute pour faire leur rapport, puis repartir. Une batterie de six canons de campagne fermait la marche.

Au bout d’une heure, le corps anglais qu’Agrippa Mauvilain, comme son fils, évaluait à trois mille hommes, était arrivé à deux kilomètres environ de la base du kopje. Il s’arrêta derrière un pli de terrain et se donna un quart d’heure de repos. Puis, déployés en ligne d’attaque, les fantassins quittèrent leur abri pour gravir les assises inférieures de la colline. L’artillerie, répartie en deux sections, l’une à droite, l’autre à gauche, avait pris position pour battre les versants est et ouest de la hauteur.

Les Anglais avançaient d’un pas alerte, le fusil à la main, déferlant comme une vague humaine sur l’obstacle qui se dressait devant eux. Soudain, un obus vint en sifflant tomber sur leur centre et éclater à quelques métrés en avant de la ligne d’attaque, sans atteindre personne ; et, presque aussitôt, la détonation remplit les échos de la montagne. Les assaillants n’avaient pas fléchi ; et leur masse poursuivait son mouvement. Mais bientôt elle dut s’arrêter. Des fils de fer barbelés, tendus sur des pieux parmi les herbes, défendaient l’approche d’un fossé de trois mètres de profondeur tracé au pied du kopje. Il fallait arracher les pieux, pour démonter les fils métalliques et en débarrasser le terrain ; opération difficile et compliquée sous le feu roulant qui s’était ouvert, car c’est ce moment même qu’attendaient les défenseurs du kopje.

Tranquillement, à loisir et visant bien derrière l’abri de leurs épaulements, ils tiraient à volonté. Et chaque coup portait, à cette faible distance de cinq ou six cents mètres. Si le feu plongeant avait été plus nourri, il eût en deux minutes balayé la position. Mais il était très lent, intermittent et individuel, au lieu de procéder par salves. C’était sur tout le pourtour de la hauteur, d’étage en étage, une suite de notes claires, espacées de seconde en seconde et partant une à une, presque sans fumée, d’une infinité d’ouvertures étroites. Les Boers, visiblement, ménageaient leurs munitions. Ils ne tiraient pas au hasard, prenaient leur temps, choisissaient leur but. Et ce but était sûrement atteint par des tireurs émérites. Un à un, les hommes tombaient, la tête ou la poitrine trouées, les membres fracassés. Ceux qui en avaient la force se traînaient alors derrière un rocher, un arbre ou un abri quelconque. D’autres restaient à la place même où ils s’étaient abattus : ceux-ci immobiles et déjà raidis, ceux-là secoués de mouvements convulsifs ou exhalant des plaintes qui montaient vainement vers le ciel gris parmi les détonations.

L’artillerie des deux batteries avait ouvert son feu sur le kopje et tirait de minute en minute. L’une, à l’est, cherchait à prendre la tranchée supérieure en enfilade, mais n’arrivait qu’à raser les bords de l’épaulement en enlevant çà et là une motte de terre. L’autre,