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ANDRÉ LAURIE

JULES VERNE d’indigènes se dirigeant de ce côté, nous reviendrons en toute hâte... — Assurez-vous que vos armes sont en état... dit John Cort. — C’est fait, répondit Khamis, mais j’es­ père que nous n’aurons pas à nous en servir pendant cette reconnaissance. L’essentiel est de ne pas se laisser voir... — C’est mon avis », répondit le Portugais. Max Huber et le foreloper, marchant l’un près de l’autre, eurent, en quelques pas, dépassé le tertre des tamarins. Au delà, la plaine était un peu moins obscure. Un homme, cependant, n’y eût pu être signalé à la distance d’une centaine de pas. Tous deux en avaient fait cinquante à peine, lorsqu’ils aperçurent Llanga derrière eux. Sans en rien dire, l’enfant les avait suivis en dehors du campement. « Eh ! pourquoi es-tu venu, petit ?... s’écria Khamis. — Oui, Llanga, demanda Max Huber, pour­ quoi n’es-tu pas resté avec les autres ?... — Allons... retourne... ordonna le foreloper. — Oh ! monsieur Max, murmura Llanga, avec vous... moi... avec vous... — Mais tu sais bien que ton ami John est là-bas... — Oui... mais mon ami Max... est ici... — Nous n’avons pas besoin de toi !... dit Khamis d’un ton assez dur. — Bon !... laissons-lc, puisque le voilà ! reprit Max Huber. 11 ne nous gênera pas, Khamis, et avec ses yeux de chat sauvage, peut-être découvrira-t-il dans l’ombre ce que nous ne pourrions y voir... — Oui... je regarderai... je verrai loin !... assura l’enfant. — C’est bon !... Tiens-toi prés de moi, dit Max Huber, et ouvre l’œil ! » Tous trois se portèrent en avant. Un quart d’heure après, ils étaient à un kilomètre dans le sud du campement, et un kilomètre les séparait encore de la grande forêt. Les feux développaient toujours leurs clartés au pied des massifs, et. moins éloignés, se manifestaient par de plus vifs éclats. Mais, si pénétrante que fût la vue du foreloper, si

bonne que fût la lorgnette que Max Huber venait d’extraire de son étui, si perçants que fussent les regards du jeune «chatsauvage », il était impossible d’apercevoir ceux qui agitaient ces torches. Cela confirmait cette opinion du Portugais que c’était sous le cou­ vert des arbres, derrière les épaisses brous­ sailles et les larges troncs, que se mouvaient ces lueurs. Assurément, les indigènes n’avaient pas dépassé la limite de la forêt, et peut-être ne songeaient-ils pas à le faire. En réalité, c’était de plus en plus inexpli­ cable. S’il ne se trouvait là qu’une simple halte de noirs, ayant l’intention de se remettre en route au point du jour, pourquoi cette illumi­ nation delà lisière ?... Quelle cérémonie noc­ turne les tenait éveillés à cette heure ?... « Et je me demande même, fit observer Max Huber, s’ils ont reconnu notre caravane, et s’ils savent qu’elle est campée au pied des tamarins... — En effet, répondit Khamis, il est possible qu’ils ne soient arrivés qu’à la tombée de la nuit, lorsqu’elle enveloppait déjà la plaine, et, comme nos foyers étaient éteints, peut-être ignorent-ils que nous sommes campés à courte distance ?... Mais, demain, dès l’aube, ils nous verront... — A moins que nous ne soyons repartis, Khamis. » Cela dit, Max Huber et le foreloper repri­ rent leur marche. Un demi-kilomètre fut franchi en cette direction, de telle sorte qu’à ce moment, la distance jusqu’à la forêt se réduisait à quel­ ques centaines de pas. Rien de suspect à la surface de ce sol traversé parfois du long jet des torches. Aucune silhouette ne s’y découpait ni au sud, ni au levant, ni au couchant. Une agression ne semblait pas imminente. En outre, si rapprochés qu’ils fussent de la lisière, ni Max Huber, ni Khamis, ni Llanga ne parvinrent à découvrir les êtres qui signalaient leur pré­ sence par ces multiples feux. « Devons-nous aller plus avant ?... demanda Max Huber, après un arrêt de quelques instants.