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J. DAIGRET

« Elle va mieux, mon ami, dit celui-ci avec un sourire rassurant quand il quitta la chambre de Mme Brial, et elle suppose que ton père s’est arrêté à San-Remo près de ses amis Jouvenet.

— Pauvre papa ! il est peut-être grièvement blessé, soupira tristement Norbert.

— Allons, allons, un peu de courage ; j’ai le pressentiment que Mlle Dorothée nous enverra de bonnes nouvelles ; surtout, ne t’avise pas de laisser voir ton inquiétude avant qu’elle n’ait écrit. »

M. Ortiz serra amicalement la main de Norbert, et, s’éloignant à grands pas, il aperçut Jacques assis sur la balançoire :

« Bonjour Jacquot, lui dit-il en passant, notre malade va mieux, sois sage et ne fais pas de bruit. »

Mais Norbert, qui suivait le docteur, s’arrêta près de son frère :

« Comme tu es rouge ! Y a-t-il longtemps que tu es là ? lui demanda-t-il avec inquiétude.

— Non, j’arrivais juste pour voir le docteur te donner une belle poignée de main… oh ! c’est qu’il te traite en monsieur, tandis que moi, il me recommande d’être sage comme si j’étais un marmot !

— Il t’a vu si petit…

— En voilà une raison ! Est-ce aussi pour cela que cette pimbêche de Dorothée et sa nièce ne s’occupent que de toi ? »

Le visage de Norbert exprima une vive émotion et sa voix trembla en disant :

— Oh ! je t’en prie, Jacquot, ne parle pas ainsi de Mlle Lissac, c’est la meilleure et la plus dévouée des parentes ! »

Jacques répondit par un petit ricanement moqueur.

« Rien que ça ! Qu’a-t-elle donc fait pour mériter de si beaux compliments ?… C’est peut-être en ton honneur qu’elle a ouvert le pont-fermé !… Tiens, cela te surprend ? poursuivit le garçonnet, prenant l’émotion de son frère pour de l’étonnement, je croyais que cette radoteuse te contait ses secrets !

— Jacques !… tais-toi ! tu ne dois pas manquer ainsi de respect à notre cousine… si tu savais !…

— Quoi donc ?

— Elle… elle est par… »

Les mots s’étranglaient dans la gorge du pauvre garçon, son secret allait lui échapper, lorsque, par un effort de volonté, il tourna les talons et rentra dans sa chambre où, bien enfermé, il donna libre cours à ses sanglots longtemps contenus.

« Va, mon petit, aide la chère cousine à retrouver sa clef, murmura Jacques en se frottant les mains ! Ah ! ce Philippe, ce ne sont pas les bonnes idées qui lui manquent ! »


CHAPITRE XIV


« Vintimille !… Vintimille !… Quarante minutes d’arrêt », criait l’employé en courant le long du train qui venait de stopper.

Mlle Dorothée, toujours chargée de sa valise et du parasol café au lait, descendit hâtivement d’une voiture de première classe et grondant :

« Ah ! pécaïre, j’en ai assez ! les autres peuvent continuer leur route si cela les amuse… Pauvre Honoré, comment le trouver à présent ? Dites donc, mon brave, où faut-il s’adresser pour voir les victimes de l’accident ?

— Là-bas, dans la grande salle qui sert d’ambulance, répondit l’homme qu’elle interrogeait ; mais, passez d’abord au premier bureau à droite, on vous dira le nom des blessés.

— Merci, merci ! »

La tante Dor courut vers la porte indiquée et entra comme un ouragan, car son émotion grandissait. À sa demande, un employé plaça devant elle la longue feuille de papier où s’alignaient les noms des voyageurs que l’ambulance avait reçus ; mais elle eut beau lire et relire, celui qu’elle cherchait n’y était pas.

« Monsieur, dit-elle d’un ton sévère, votre liste est mal faite, je n’y vois pas le nom de M. Honoré Brial, de Grasse.

— Mais, madame, êtes-vous certaine que ce monsieur soit blessé ?