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J. DAIGRET

ou nous reconduira jusqu’à la frontière avec les honneurs dus aux semblables de Sa Majesté wagddienne.

— Et s’il refuse ?…

— Pourquoi refuserait-il ?…

— Sait-on, mon cher Max, répondit John en riant. Des raisons diplomatiques, par exemple…

— Eh bien, s’il refuse, je lui dirai qu’il était tout au plus digne de régner sur les plus inférieurs des macaques et qu’il est au-dessous du dernier de ses sujets ! »

En somme, débarrassée de ses agréments fantaisistes, la proposition valait la peine d’être prise en considération.

Jules Verne.

(La suite prochainement.)


ORGUEIL N’EST PAS AMOUR-PROPRE



Je crois que tout le monde aime le mois de mai, car, très près encore de l’hiver, il semble vouloir faire oublier les tristes jours passés, en apportant dans son manteau fleuri toutes sortes de douces promesses, et, en attendant leur réalisation, il nous comble de rayons brillants, d’air tiède et limpide, et de mille choses délicieuses appréciées de tous : l’enfant et le vieillard, le riche et le pauvre, participent à cette divine distribution. J’ai une raison toute particulière d’apprécier le quatrième jour de ce mois béni ; cette date commence pour moi une année nouvelle, et cette agréable journée m’a comblé, lorsque j’étais petit, d’une armée de jouets et d’une provision de friandises. Maintenant que je suis sorti de la période « polichinelle et sucre d’orge », mon anniversaire de naissance m’apporte généralement des livres souhaités ou des objets ambitionnés depuis longtemps.

Mais il faut, avant de continuer, que je vous donne, sur mon caractère, mes nombreux défauts et mes quelques qualités, un éclaircissement indispensable.

Des qualités, mon Dieu ! nous en avons tous ; la grande difficulté est qu’elles restent ce qu’elles sont, et que leur excès même n’entraîne pas un défaut, ces vilains traîtres profitant de la moindre occasion pour se glisser partout. Cela semble singulier ; rien n’est plus réel pourtant ; vous allez voir.

L’amour-propre est une qualité ; qui n’est de cet avis ? C’est grâce à ce louable sentiment que nous aimons à être premiers en histoire, par exemple, et que nous travaillons ferme pour atteindre ce but.

Je ne sais si la chose vous est facile ; quant à moi, cela n’allait pas tout seul, oh ! non ; mon bon vouloir et ma folle imagination se livraient un combat acharné, cette dernière faisant miroiter une envolée de distractions tout à fait étrangères à la moindre étude sérieuse.

Ainsi, au beau milieu du règne de Louis IX, au récit de ce roi rendant la justice sous un chêne, la vagabonde m’emmenait au loin, et, à mon insu, un autre arbre, qui n’avait rien de commun avec celui du pieux monarque, me rappelait l’amusant déjeuner fait le dimanche précédent sous son épais ombrage.

Quel débat ne me fallait-il pas soutenir alors contre cette imagination… buissonnière !

Malheureusement, personne n’est parfait, surtout un garçon de quinze ans ; et, par une pente rapide, mais insaisissable, cet amour-propre devenait un sentiment très exagéré de ma supériorité, en un mot, une affreuse vanité.

On ne s’imagine pas à quel point ces deux sentiments sont frères : Abel et Caïn !

Et me voici amené à confesser la forme singulière que revêtait mon mauvais penchant.

Il me semblait « absurde » qu’un garçon de mon âge ne put voler de ses ailes nouvelles, ni même aller au lycée sans être surveillé. Quoique bien gâté, je n’avais jamais rien ob-