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Magasin illustré d’Éducation et de Récréation

LA GRANDE FORÊT par

JULES VERNE —

illustrations de

GEORGE ROUX

XVI Sa Majesté Mselo-Tala-Tala.

Cette journée — ou plutôt cet après-midi du 15 avril — allait amener une dérogation aux habitudes si calmes des Wagddis. Depuis trois semaines, aucune occasion ne s’était offerte aux prisonniers de Ngala de reprendre à travers la grande forêt le chemin de l’Oubanghi. Surveillés de prés, enfermés dans les limites infranchissables de ce village, ils ne pouvaient s’enfuir. Certes, il leur avait été loi­ sible — et plus particulièrement à John Cort — d’étudier les mœurs de ces types placés entre l’anthropoïde le plus perfectionné et l’homme, d’observer par quels instincts ils tenaient à l’animalité, par quelle dose de raison ils se rapprochaient de la race hu­ maine. C’était là tout un trésor de remarques à verser dans la discussion des théories dar­ winiennes. Mais, pour en faire bénéficier le monde savant, encore fallait-il regagner les routes du Congo français et rentrer à Libre­ ville... Le temps était magnifique. Un puissant soleil inondait de chaleur et de clarté les cimes qui ombrageaient le village aérien. Après avoir

presque atteint le zénith à l’heure de sa cul­ mination, l’obliquité de scs rayons, bien qu’il fut trois heures passées, n’en diminuait pas l’ardeur. Les rapports de John Cort et de Max Huber avec les Li-Maï avaient été fréquents. Pas un jour ne s’était écoulé sans que cette famille ne fût venue dans leur case ou qu’ils ne se fussent rendus dans là leur. Un véritable échange de visites ! Il n’y manquait que les cartes ! Quant au petit, qui ne quittait guère Llanga, il s’était pris d’une vive affection pour le jeune indigène. Par malheur, il y avait toujours impossibilité de comprendre la langue wagddienne, réduite à un petit nombre de mots qui suffisaient au petit nombre d’idées de ces primitifs. Si John Cort avait pu retenir la signification de quelques-uns, cela ne lui permettait guère de converser avec les habitants de Ngala. Ce qui le surprenait toujours, c’était que di­ verses locutions indigènes figuraient dans le vocabulaire wagddien — une douzaine peutêtre. Cela n’indiquait-il pas que les Wagddis