Page:Magasin d'Éducation et de Récréation, Tome XIII, 1901.pdf/303

Cette page a été validée par deux contributeurs.
302
A. MOUANS

patrie où les jeunes filles jouissent d’une grande indépendance. D’ailleurs, nos braves paysans sont si honnêtes, et toute notre population si foncièrement bonne, que cette liberté d’allure y paraît toute naturelle et n’offre jamais d’inconvénients.

Qu’est-ce donc que ces courses à pied ? Non pas des courses de vitesse, où il s’agit de lutter pendant un temps donné pour arriver premier. Loin de là. Ce sont tout simplement de petits voyages faits en commun à peu de frais, entre joyeux compagnons.

Je nous vois encore au départ, toutes roses sous nos chapeaux de paille à larges bords. Pour tout bagage, un sac de toile bise contenant « l’indispensable » réduit au minimum de poids et de quantité. Sac au dos, comme les soldats, des courroies nous aidant à supporter notre léger fardeau que nous sentons à peine. Nous nous mettons en marche. Notre bourse n’est guère pesante non plus. En revanche, nous nous sommes engagées à avoir une ample provision de bonne humeur, de gaieté, de courage, d’endurance pour tous les petits incidents de ce voyage en commun. Bouder au moindre ennui, grogner à la plus minime contrariété, gémir pour une égratignure ou une contusion, murmurer pour de la fatigue, tout cela rendrait le voyage le contraire d’amusant et donnerait envie de se séparer dès la première étape.

Nous avions, heureusement, bon caractère ; et les exercices gymnastiques que nous faisions journellement nous donnaient à la fois parfaite santé et jarrets élastiques. Ces voyages pédestres nous fortifieraient encore, du moins (elle était l’opinion de M. Ollan et de Mlle Mathilde.

Tous deux estimaient qu’après notre année scolaire, c’était un repos complet, très salutaire.

En route donc pour Punkaharju, tandis que d’autres groupes se dirigent vers le riant lac de Kallavesi, parsemé de petites îles, les collines de Karjalu ou les beaux paysages du Hœme central.

En route !

Nous nous sommes « entraînées » les jours précédents, car la marche demande un entraînement raisonné, et, comme tout exercice physique, ne doit pas être exagérée. Nous connaissons nos forces, nous savons ce dont nous sommes capables. D’un pas régulier, rythmé, nous marchons, chantant parfois pour vaincre la fatigue, et nous « avalons » nos quarante kilomètres par jour en deux grandes étapes, coupées de courts arrêts. De six heures du matin à midi, de quatre heures à huit heures, tel est le programme de notre journée. À midi, nous nous arrêtons pour déjeuner et laisser passer la grosse chaleur : Tout marcheur comprend bientôt que cette manière de faire est infiniment préférable.

(La fin prochainement.)

J. Lermont.

LA FOUX-AUX-ROSES

Par a. mouans

CHAPITRE XI (Suite.)


« Puisque je vous dis qu’il n’y a personne à la maison.

— Je peux au moins remettre ce flacon à Rousseline… »

La curiosité de Jacques s’éveillait :

« Qu’est-ce qu’il y a là dedans ? demanda-t-il avec un coup d’œil à l’adresse de la fiole enveloppée.

— C’est tante Dor qui l’envoie, ça ne vous regarde pas.

— Tiens, tiens, la cousine Dorothée a peut-être mis la Foux en bouteille, elle est très aimable de nous en faire cadeau ! »

À ces mots, Irène se redressa fièrement :

« Vous savez bien qu’on ne met pas une rivière en bouteille ; mais, si cela se pouvait,