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EN FINLANDE

Il devine que la vieille demoiselle n’aime pas les douillets.

« J’y songe, dit-elle en s’interrompant, ils doivent se demander où tu es passé ?…

— Qui donc, cousine ?

— Mais… ceux que tu appelais à ton aide tout à l’heure !

— Père et Raybaud ? Vous avez cru qu’ils pouvaient m’entendre ; le vagabond aussi l’a cru : sans cela il n’aurait pas eu peur d’un garçon de ma taille ; je l’ai jeté à terre en lui tirant les pieds par surprise et puis j’ai appelé pour faire croire que des hommes allaient venir.

— Quelle bonne ruse ! dit Irène enchantée, Je ne crois pas qu’on puisse en trouver une meilleure ! qu’en dis-tu, tante ? »

Mlle  Dorothée partagea sans discussion l’opinion de sa nièce ; avec un geste approbateur, elle répondit : « L’idée n’est pas d’un sot. Les Brial comme les Lissac ont toujours passé pour des gens avisés ; tu ne peux mentir à ta race, mon ami. »

Le pansement achevé, elle ajouta :

« Si cela ne déplaît pas à tes parents, tu viendras après-demain matin pour que je renouvelle l’onguent et les bandages. »

En s’aventurant une seconde fois sur les terres de Mlle  Dorothée, le jeune garçon s’attendait à recevoir une semonce :

« Quoi ! cousine, dit-il surpris et touché de son accent affectueux, vous me donnez la permission…

— Puis-je faire autrement ? interrompit Mlle  Lissac d’une voix plus aigre, il le faut bien… cette blessure, tu l’as reçue en défendant ma nièce et moi, et je laisserais à un autre le soin de te guérir !… Non, non, je n’ai pas le cœur si mauvais… sans compter qu’on dirait dans le pays : « Voyez-vous Mlle  Dorothée qui se vante de composer un onguent miraculeux, elle n’a seulement pas pitié de son petit-cousin !… » Il faut que tu reviennes et que je te soigne ; tes parents le comprendront tout de suite.

— Je n’en sais rien, repartit finement Norbert.

— Il me semble pourtant que, l’autre jour, tu m’avais dit : « Mon père ne m’empêche pas d’aller chez vous… »

— C’est vrai, mais quand il va savoir que vous avez puni Irène parce qu’elle est entrée à l’usine après sa chute…

— Qui vous a dit cela, monsieur ?

— Oh ! c’est facile à deviner : elle n’est pas venue à la Foux depuis deux jours. »