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EN FINLANDE

plus qu’une succession de bonnes œuvres, d’ovations, de succès. Ses livres, ayant fait réfléchir les législateurs suédois sur les souffrances des jeunes filles et des femmes, amenèrent la proclamation d’une loi d’après laquelle la femme, au lieu d’être éternellement mineure, devenait majeure à vingt-cinq ans ; mais Frederika accomplissait tant de bien autour d’elle qu’on ne peut tout énumérer en quelques mots : c’était la création d’un institut pour les jeunes filles désireuses de s’instruire ; c’était la fondation d’un orphelinat dans lequel elle recueillit six cents orphelins ayant perdu leurs parents dans une épidémie de choléra ; c’était une pétition éloquente des jeunes sourds-muets : Aux enfants qui parlent, les enfants silencieux, lettre qui fit affluer les fonds dans la caisse des jeunes sourds-muets ; c’était l’Œuvre des pauvres honteux, instituée par elle pour venir en aide aux personnes riches tombées dans la misère.

« Frederika Bremer était depuis longtemps seule au monde, nous dit Aïno en terminant sa conférence ; mais elle avait pour amis les savants et les gens de cœur de tous les pays, et pour enfants tous les pauvres. Chaque instant était pour elle, dans les grandes comme dans les petites choses, un acte de bonté et de charité, et quand elle s’éteignit à Arsta, où elle avait tant souffert, ce fut un deuil général de voir partir cette vieille fille de soixante-trois ans, dont la vie avait été si noble, si belle et si bien remplie. »

« Bravo ! bravo ! Vive Frederika Bremer ! vive Aïno !… »

Tels furent les cris qui résonnèrent dans la grande salle de l’école quand Aïno s’assit très rouge, et ravie d’avoir enfin fini, mais n’ayant pas eu la moindre défaillance de mémoire, la moindre hésitation pendant son long récit.

J’entendis Mlle Maria dire à une de nos maîtresses que, sous forme d’amusement, nous avions trouvé là un moyen de nous apprendre à exprimer nos pensées, et je jugeai, à part moi, qu’elle avait bien raison. Mais déjà le piano accompagnait des mélodies de notre pays, et on écouta avec grand plaisir les voix graves ou argentines des cantatrices en herbe.

Comme déclamation, nous entendîmes une fable de La Fontaine, le Loup et l’Agneau, mimée autant que dite par Hanna. Après quoi vint l’intermède annoncé, la première partie du programme étant terminée.

Les petites ménagères se précipitent à la cuisine pour servir le thé. Les langues, longtemps captives, s’en donnent alors ; c’est un brouhaha de ruche d’abeilles géantes. On commente la conférence d’Aïno ; on loue les artistes sans restriction, sans mauvaise foi : heureux artistes et heureux public ! Puis on déguste avec grand appétit les tartines et les biscuits qui accompagnent le thé qu’on nous offre. Cet intermède est du goût de tout le monde. Les petites cuisinières s’agitent comme de grands papillons blancs, puis elles remportent les tasses vides et se réconfortent à leur tour.

L’intermède va bientôt prendre fin. Mademoiselle la présidente remonte sur l’estrade, le silence se fait de nouveau, et Hanna s’avance, une feuille de papier à la main, ses cheveux lui faisant une auréole dorée. Elle n’a pas la moindre timidité, et de sa voix claire et bien timbrée, pleine de rires et de gaieté, elle lit le journal du convent.

Ce sont de petites histoires écrites par les unes et les autres et que les auteurs écoutent la rougeur au front ; ce sont des vers un peu faibles, timides essais de juvéniles talents ; ce sont les nouvelles de notre vie d’écolière, les compositions, les congés, etc. : quelques calembours, quelques bons mots. Des charades, des énigmes, dont on aura la solution au prochain numéro ; puis la partie cocasse, dont Hanna est évidemment l’auteur, et qui nous fait rire aux éclats. Après quoi nous apprenons que Heddi a perdu son dé et qu’elle promet une image à celle qui le lui retrouvera ; que Selma a deux timbres d’Italie à échanger ; que Mathilde est lasse du petit sac à ouvrage qu’elle a commencé à broder et qu’elle l’échangerait volontiers contre un livre amusant ; que Charlotte a envie d’acheter un livre